Choix de l’énergie positive, volet sociétal très affirmé, attention particulière apportée aux aspects environnementaux et mode de fonctionnement inédit, le futur terrain de jeu des sportifs havrais cumule les originalités.
A l’été 2012, Le Havre aura son Grand Stade. Et pas n’importe quel stade. « Semblable à une lentille optique aux courbures adoucies » et recouvert d’une enveloppe « semblable à un diamant bleu taillé en de multiples facettes », il constituera un « nouvel emblème urbain de l’agglomération havraise », promet la Communauté d’agglomération du Havre, maître d’ouvrage du projet. Mais surtout, ce bâtiment multifonctionnel de 25 000 places construit sur le site de l’ancienne gare de triage de Soquence, aux portes de la ville, sera le premier stade français à énergie positive.
Energie positive
Pour remplir cette condition, le groupement Vinci construction-Scau Architectes et KSS-Iosis, lauréat (parmi quatre candidats) du concours lancé par la communauté d’agglomération du Havre (Codah), n’a pas opté pour des technologies « bios » ou « révolutionnaires ». Au contraire, « le projet choisi est esthétique, mais aussi très fonctionnel et rationnel », commente Jean-François Caux, directeur du projet à la Codah. Les concepteurs ont opté pour des solutions presque classiques : une base en béton et une structure en acier recouverte d’une « peau » de téflon translucide bleutée. En revanche, tout a été prévu pour réduire la consommation d’énergie du stade. Ainsi, la tribune Ouest a-t-elle été conçue pour bénéficier d’un ensoleillement maximal, afin de pouvoir se passer d’éclairage. L’illumination du terrain a également été plafonnée à 1400 lux, au lieu des 2000 préconisés par les spécialistes des médias, réduisant la facture électrique de 46%. L’isolation et le chauffage seront modulés dans les différentes parties du stade et la gestion technique de bâtiment prévoit de ne lancer le chauffage de l’édifice qu’une heure seulement avant chaque événement et de le couper lors des mi-temps. Dans tout le bâtiment, l’éclairage est systématiquement associé à des minuteries et des détecteurs de présence ; l’installation de ventilation est de type double-flux. Des solutions basiques, mais qui portent leurs fruits : hors cuisines, le stade affiche une consommation de 33 kWh par mètre carré par an (chauffage, éclairage, ventilation, production d’eau chaude rafraîchissement), quand la norme RT 2012 imposera… 50 kWh pour les maisons individuelles. Et pour gagner le pari de l’énergie positive, le stade produira sa propre énergie à l’aide de 1500 mètres carrés de panneaux photovoltaïques disposés sur la toiture.
Une démarche de développement durable
Au-delà de l’aspect énergétique, ce projet s’inscrit dans une démarche globale de développement durable. Et dans ce domaine, la Codah a pris des engagements forts. Sur le plan social, le dossier impose ainsi une « clause pour l’insertion et l’accès à l’emploi », qui prévoit 30 contrats d’insertion pendant toute la durée du projet, dont un de dessinateur-projeteur chargé de concevoir les plans utilisés à chaque étape du chantier. Sur le plan environnemental, tout est fait pour réduire le bilan carbone de l’édifice. La toiture en toile sera à « simple peau », plutôt qu’à « double peau », afin de réduire la quantité de matière utilisée par deux et d’économiser 1000 tonnes de charpente. En outre, « les matériaux utilisés sont classiques, mais le groupement mené par Vinci Construction a opté pour des solutions émettant moins de CO2, en particulier en privilégiant les approvisionnements locaux », annonce Harold Coté, responsable développement chez Apave, qui assure l’assistance technique à maîtrise d’ouvrage et l’approche environnementale de l’urbanisme du projet. Enfin, le chantier lui-même est « vert », avec des consommations d’eau et d’électricité et un niveau de nuisances surveillés de près par l’Apave, et 40% de ses déchets valorisés.
Une gouvernance particulière
La dernière particularité du grand Stade du Havre tient dans le type de marché adopté par la Codah. En effet, les Havrais ont opté pour la conception réalisation, qui consiste, pour le maître d’ouvrage, à soumettre son projet à des groupements d’entreprises de travaux publics et d’architectes qui montent leurs réponses à partir de performances attendues, et de faire son choix sur la base de ces seuls critères, sans préjuger des choix techniques à opérer.
Contrairement au dialogue compétitif, cette démarche est plus longue au départ, puisque les candidats doivent présenter des dossiers techniques complets, mais permet de gagner du temps ensuite. Car une fois le choix du groupement gagnant réalisé, « tous les intervenants travaillent en parallèle, du début à la fin du projet », commente Jean-François Caux. C’est ce qui permet à l’ensemble de tenir le budget initial de 80 millions d’euros et d’avancer à grande vitesse : 44 mois, dont 22 de chantier, seront nécessaires pour faire naître ce Grand Stade. C’est presque moitié moins que d’autres projets de ce type !
Ce qui change
Les contraintes techniques imposées ont impliqué l’usage d’outils particuliers. Par exemple, la consommation globale du stade a fait l’objet de plusieurs simulations lors de la phase de conception, afin de s’assurer d’atteindre les niveaux recherchés sur les 14 « cibles » définies. Sous le contrôle de l’Apave, une analyse du site et une étude des vents dominants et de l’ensoleillement, ont permis de mesurer les possibilités de profiter des éléments bioclimatiques. Plus tard, une simulation de l’exploitation du stade à différentes saisons a déterminé sa consommation énergétique. Et les études ne sont pas finies. Le matériel de chauffage, par exemple, fera encore l’objet de contrôles avant son installation. Dans le cadre de son AMO, l’Apave réalisera enfin des bilans de consommations du projet à 6 mois et un an.
Mais le changement le plus important par rapport à un projet classique est ailleurs. Dans la gouvernance. « Nous sommes dans une logique partenariale », commente Jean-François Caux. Et l’organisation mise en place par la Codah épouse ce postulat fort. « Nous avons adopté une approche systématique, rendue possible par un collège de maîtrise d’ouvrage très conséquent, composé d’unités de projets dédiées à des thématiques non redondantes, dirigées par des référents », décrit Jean-François Caux. En tout 18 unités de projet (environnement, rudologie, foncier, ferroviaire, méthodes de chantier…) secondées par une douzaine d’aides à maîtrise d’ouvrage avancent de concert, dans le tempo imposé par le directeur du projet. « C’est épuisant mais très efficace, commente-t-il. Un projet comme celui-ci est en quelque sorte thixotropique. Il nécessite beaucoup d’énergie pour surmonter la rigidité initiale, mais une fois lancé, il devient fluide et s’auto-motive ». Une chose est sûre, grâce à cette organisation spécifique, le stade sera livré en mai 2012, pour une mise en exploitation le premier août 2012. « Rien ne nous permet de dire que nous n’y parviendrons pas », assure Jean-François Caux.
Le projet en chiffres
– 25000 places et 3000 places d’hospitalité
– Un stade de 4,5 hectares sur une enceinte de 19 hectares
– 1500 mètres carrés de panneaux photovoltaïques sur le toit
– 44 mois, dont 22 mois de travaux
– 2800 tonnes de charpente métallique
– 35000 mètres carrés de toiture
– Maitre d’ouvrage : Codah
– Budget : 80 millions d’euros financés par la Codah, la Région, le conseil général et l’Etat
cad160_pp30-31_solution