Les nouveaux produits et services développés par les entreprises sont sans cesse plus complexes. Les processus de conception, de développement, de mise sur le marché et de maintenance (PLM) sont eux aussi de plus en plus sophistiqués et requièrent de multiples partenariats entre de nombreuses entreprises : donneurs d’ordres, équipementiers, sous-traitants, fournisseurs de composants, etc.
En une quinzaine d’années, le PLM est passé des bureaux d’études aux fonctions techniques de l’Entreprise, puis à l’Entreprise toute entière pour arriver aujourd’hui à une organisation en plateau virtuel, mis à disposition par le donneur d’ordre à ses partenaires de rang 1.
Source : PLM Décision
Le PDM n’est plus seulement le référentiel des informations « Produit » de l’entreprise, mais est devenu le lieu de collaboration et d’échange d’information de tous les acteurs qui concourent au développement produit, que ce soit en interne de l’entreprise ou avec ses partenaires.
Les étapes de la collaboration
Même si elle est relativement récente, la collaboration autour des informations produit ne s’est pas faite en un jour et surtout, le mouvement n’est pas encore terminé.
On peut distinguer plusieurs stades de maturité dans la collaboration qui se distinguent par des caractéristiques comme le mode de collaboration : séquentiel ou concourant, le temps de cycle pour une itération sur l’information, le statut de l’information lorsqu’elle est partagée : en cours, validée, officialisée, la nature de l’information : documents ou plans, modèles 2D ou 3D, structures produit (BOM), le format de l’information : natif ou standard (IGES, DXF, SET, STEP…) et le système utilisé : un seul système, deux systèmes homogènes, deux ou plusieurs systèmes hétérogènes.
Bien sur, toutes les combinatoires entre ces différentes caractéristiques sont possibles, même si elles ne sont pas toutes pertinentes. Nnous nous limiterons aux profils les plus fréquemment rencontrés aujourd’hui :
Stade |
Description |
Mode de collaboration |
Cycle |
Statut de l’ information |
Nature de l’ information |
Format de l’ information |
Environnement |
1 |
Echange de données |
Séquentiel |
Long |
Validé |
CAO 2D/3D |
natif |
Deux systèmes homogènes |
2 |
Echange de données standard |
Séquentiel |
Long |
Validé |
CAO 2D CAO 3D |
IGES, puis SET STEP |
Deux systèmes hétérogènes |
3 |
Plateau physique |
Concourant |
Court |
En cours |
CAO BOM |
natif |
Un seul système |
4 |
Plateau virtuel |
Séquentiel |
Court |
En cours |
CAO BOM |
natif |
Le plateau virtuel et le système de l’OEM sont homogènes |
Source : PLM Décision
Application à l’industrie aéronautique
L’industrie aéronautique qui conçoit et fabrique des objets parmi les plus complexes fait partie avec l’automobile des filières qui ont expérimenté les premières les concepts de plateau physique et de plateau virtuel.
Le diagramme ci-dessous illustre les différents stades de maturité de la collaboration pour quelques programmes avion de ces 20 dernières années.
Source : BoostAerospace
Les limites du plateau virtuel
L’idée de plateau est venue de la nécessité de faire travailler ensemble sur un projet, au plus tôt, les différents acteurs de ce projet pour faciliter la circulation de l’information et raccourcir les temps de cycle de conception.
Il suffisait d’appliquer la vieille recette de Lagardère (pas le Lagardere d’EADS, mais celui du « Bossu » de Paul Feval : " Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ! "), si l’information ne vient pas à l’utilisateur, faute de moyens efficaces de partage, c’est l’utilisateur qui se rend à l’information, en se déplaçant physiquement sur le lieu (le plateau physique) où l’information est disponible.
En fait, le plateau physique, considéré souvent comme une avancée organisationnelle majeure peut aussi être considéré comme une mauvaise réponse à une vraie question de partage d’information. Mauvaise réponse, parce que tous les acteurs étant rassemblés, l’information circule sans contrôle, de manière informelle, sans contrainte de sécurité, et que bien souvent les personnels extérieurs accèdent à toute l’information sans limite. Mauvaise réponse encore, car si le plateau physique permet de bien prendre en compte le mode d’organisation par projet, il assèche les ressources des métiers, qui sont éclatés entre plusieurs projets, rendant la capitalisation difficile. Mauvaise réponse enfin, lorsque les projets nécessitent le recours à des expertises pointues et peu nombreuses, et que les experts ne peuvent pas se couper en deux ou plus pour participer physiquement à tous les plateaux qui en auraient besoin.
C’est pour dépasser ces limites que le plateau virtuel a été inventé. Au lieu de rassembler les acteurs dans un endroit unique : le plateau physique, on les rassemble autour d’un moyen unique : le plateau virtuel. Celui-ci est construit avec des principes d’organisation et un système d’information qui lui sont propres.
Pour des raisons de facilité, le plateau virtuel est sous le contrôle du donneur d’ordres et bâti sur les mêmes technologies que son propre système interne, ou c’est même une partie de son propre système, qui est rendu accessible par les technologies du Web, avec des pare-feu pour garantir la sécurité.
Si le plateau virtuel simplifie la vie du donneur d’ordresen lui permettant de mettre à disposition de ses partenaires et sous-traitants l’information dont ils ont besoin, tout en garantissant qu’ils n’accèdent qu’à ce qu’ils ont besoin, il ne simplifie pas la vie de ces derniers, au contraire. En effet, le système du plateau virtuel est le même que celui du donneur d’ordres et donc potentiellement différent de celui des partenaires. A moins que toute la filière n’utilise le même système de conception et de PLM, ce qui est le rêve de tout fournisseur de solution, mais est bien éloigné de la réalité. Par exemple, dans l’aéronautique, Airbus a fait le choix de Windchill, PDM de PTC, alors que Dassault Aviation est équipé des solutions de Dassault Systèmes. Comme ses différents donneurs d’ordres ne disposent pas du même plateau virtuel, le partenaire est obligé de jongler entre son ou ses propres environnements et ceux de ses donneurs d’ordres. Le problème se complique encore lorsque le sous-traitant est une PME qui n’a pas les moyens de dédier des équipes spécialisées pour chacun de ses donneurs d’ordre.
Il a donc fallu aller au-delà du Plateau Virtuel actuel et on est en train d’assister en ce moment à l’émergence de la dernière génération de plateau virtuel : le Plateau Virtuel Mutualisé.
Le Plateau Virtuel Collaboratif Mutualisé
Les premières mises en œuvre de PLM collaboratifs qui s’étendent à toute la chaine logistique au-delà du rang 1, s’appuient sur des plateaux virtuels mutualisés au sein d’une même filière industrielle.
Ces plateaux virtuels mutualisés présentent les caractéristiques suivantes :
· Ils n’appartiennent pas à un donneur d’ordres unique mais sont mutualisés au sein de tout ou partie d’une même filière
· Ils sont construits autour de standards de représentation et d’échange de l’information (STEP AP 203 ou 214 et/ou AP 239)
· L’interopérabilité entre le plateau virtuel mutualisée et les systèmes internes des différents acteurs de la filière est assurée par l’utilisation de Web Services (OMG PLM services ou OASIS Web services)
· le plateau virtuel est opéré par un opérateur indépendant
· il implémente des processus métier standard
· une partie de l’information produit est résidente sur le plateau virtuel
On franchit ainsi une nouvelle étape de la collaboration résumée ainsi :
Stade |
Description |
Mode de collaboration |
Cycle |
Statut de l’ information |
Nature de l’ information |
Format de l’ information |
Environnement |
5 |
Plateau virtuel collaboratif mutualisé |
Concourant |
Court |
En cours |
CAO BOM |
standard |
Le plateau virtuel et les systèmes des différents acteurs sont hétérogènes |
Le schéma ci-dessous montre une architecture possible du plateau virtuel mutualisé telle qu’elle a été définie par le projet SEINE de la filière aéronautique dans le cadre du programme TIC & PME 2010, lancé par la DGE du Ministère de l’Industrie :
1. Conclusion
Sans conteste, le concept de PLM est maintenant largement diffusé au sein du tissu industriel, et plus particulièrement chez les grands donneurs d'ordres, leurs partenaires et les équipementiers. Cette généralisation du PLM a suscité de nouvelles questions, et là où on s'interrogeait sur les interfaces entre PLM et systèmes de CAO ou encore entre PLM et ERP, avec les plateaux virtuels mutualisés, on cherche maintenant à faire interagir les systèmes de PLM/PDM entre eux. Ce besoin devient prioritaire pour faire coopérer les différentes disciplines : mécanique, électronique, logiciel, … au sein d'une même entreprise ou d'un même Groupe, mais aussi et surtout, pour permettre les échanges des données produit entre acteurs d'une même filière. Pour répondre à ces nouveaux besoins, de nouvelles solutions sont apparues, tant en termes de standards que d'architecture (SOA, Web Services, plate-forme de collaboration, …) ou de solutions.
Nul doute que les prochaines années vont voir l’éclosion de ces solutions de « Plateaux Virtuels Collaboratifs Mutualisés ».
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