Ex-directeur industriel de PSA, Yann Vincent vient de prendre la direction d’ACC, la co-entreprise fondée par Total et PSA pour construire des batteries pour véhicules électriques. L’objectif est ambitieux : concurrencer les fabricants asiatiques qui monopolisent le marché actuellement.
Cad Magazine : Dans cette association entre Total, ou plutôt sa filiale Saft, et PSA,
comment seront répartis les rôles de chacun en matière de R&D ?
ACC (Automotive Cells Company) associent les compétences d’engineering, de manufacturing et de vente de ses deux actionnaires PSA et Total/Saft. Du côté de PSA c’est notamment le savoir-faire en matière de production de grande série qui sera mis en œuvre, et du développement des batteries et de leur process de fabrication pour Saft. Nous allons également recruter des compétences extérieures, notamment dans le domaine de l’électrochimie.
Cad Magazine : Quels sont les objectifs ?
Pour PSA, c’est sécuriser les approvisionnements d’un composant qui représente entre 30 et 40 % du coût total d’un véhicule électrique, et peser sur sa conception pour qu’il soit du meilleur rapport performances/prix possible. Pour Total, c’est un passage logique de sa politique de transition énergétique. Le développement de technologies alternatives exige de progresser sur l’aspect du stockage, d’où son investissement dans ce projet. Le plan est d’atteindre d’ici 2030 une production de 48 GW/h ce qui permet de fournir environ 1 million de VE.
CAD Magazine : Quelles sont les technologies mise en œuvre dans ces batteries ?
Pour l’instant ce sont les solutions Lithium-Ion à électrolyte liquide que nous allons développer. Le cadencement des usines est cependant prévu pour intégrer le best in class des technologies produit du moment. Et donc à terme de passer à l’électrolyte solide.
CAD Magazine : Quels défis devez-vous relever pour concurrencer les fabricants asiatiques qui trustent les premières places ?
Fournir des batteries de classe mondiale signifie fournir un produit au meilleur niveau de performance, d’autonomie et de coût. C’est loin d’être un combat facile face aux géants du secteurs, il faut l’avouer. Il faut relever deux défis : supporter les investissements très lourds inhérents à cette production, et maîtriser les évolutions constantes de la technologie de batteries tant sur le plan des matériaux que sur celui des phénomènes physiques mis en jeu.
Des progrès qui impactent la conception des batteries mais aussi leur process de fabrication. Paradoxalement, si nous arrivons après nos concurrents sur le secteur, nous pouvons construire des usines de production à partir d’une feuille blanche et intégrer directement les derniers niveaux technologiques connus.
CAD magazine : Et sur le plan technique, où porteront vos efforts ?
La chimie des matériaux bien sûr pour produire les électrodes les plus performantes possible. Les process de fabrication qui constituent le gros des investissements. On peut aussi citer le digital avec d’un côté la modélisation numérique qui est fondamentale pour la conception des cellules, optimiser leur densité énergétique, les temps de recyclage, leur résistance aux chocs, et leur durabilité. De l’autre l’utilisation massive du big data afin de piloter efficacement les process et diminuer notamment les taux de rebut.
Cad Magazine : Concevoir une nouvelle batterie, est-ce également prévoir les technologies de recyclage ?
Le recyclage des batteries n’est pas notre rôle. Mais c’est bien sûr un aspect important à prendre en compte dans leur définition. Et nous travaillons étroitement avec des spécialistes de la chimie et sur l’aspect design des cellules pour faciliter cette étape du cycle de vie de nos produits.
Cad Magazine : Le projet bénéficie du soutien financier des pouvoirs publics français et allemands pour un montant de 1,3 milliard d’euros. L’ensemble représente plus de 5 milliards d’euros d’investissements. Où en êtes-vous du projet ?
ACC dispose à ce jour d’un centre de R&D à Bordeaux qui sera opérationnel au milieu de l’année prochaine. Fin 2021, l’usine pilote de Nersac (Charente) en phase démarrage actuellement permettra de valider la technologie des cellules lithium-ion de haute performance. Mais la production des batteries ne démarrera que fin 2023 dans la future usine de Douvrin dans le Pas-de-Calais, puis dans celle de Kaiserlautern en Allemagne.