Le choix d'un logiciel de CAO moyenne gamme est souvent dicté par l'environnement clients, sous-traitants, et fournisseurs. Par ailleurs, la maturité technologique des modeleurs géométriques nivelle les différences qui existaient il y a quelques années. On parle désormais de modélisation directe, d’interopérabilité totale avec les autres systèmes informatiques, et d'offre global capable de couvrir tous les besoins de conception et de développement.
Depuis quelques années, le PLM, les outils de travail collaboratif et, plus récemment, les technologies de cloud computing, ont quelque peu masqué les problématiques de conception pure et leur outil : la CAO. Pour nombre d'acteurs de notre secteur d'activité, la modélisation géométrique est devenue un acquis. La 3D a tué la 2D ; le PLM absorbé la CAO 3D. Les enjeux sont ailleurs et la CAO ne fait plus rêver grand monde. Le marché est mature, comme l'on dit.
Pourtant, celui-ci continue d'évoluer. La vente de licences et de contrats de maintenance alimentent encore largement les comptes des éditeurs. Et, s'il est peu probable de voir arriver un nouvel offreur sur le marché, les nouveautés, voire bouleversements techniques ne sont pas exclus. Car il reste une marge de progression importante sur plusieurs points techniques. On citera par exemple l'ergonomie, la facilité d'utilisation, la cotation fonctionnelle, l'intégration mécatronique, les outils métier, la capitalisation du savoir-faire, la réalité augmentée, etc. Autant de pistes à suivre pour améliorer les solutions utilisées quotidiennement par les bureaux d'études.
Le segment de la CAO moyenne gamme est sans doute celui qui est le plus dynamique sur le plan technique. Logique, il est celui qui couvre le plus grand nombre de cas d'applications et de typologies d'utilisateurs. Sur ce segment, on retrouve trois éditeurs qui se concurrencent directement : Autodesk, SolidWorks et Siemens PLM Software, ainsi que Missler Software et SpaceClaim qui adoptent une position légèrement différente. Si on analyse leurs offres, on dégage trois tendances majeures : l'apparition de la modélisation directe, le renforcement de l’interopérabilité et l'intégration d'outils complémentaires à la CAO.
Modélisation directe : le futur de la CAO ?
Depuis le lancement fin des années 80 de Pro/Engineer de PTC, le petit monde de la CAO ne jure que par le Features Based Parametric Modeling. Il s'agit de construire son modèle 3D à partir de "features" (ou fonctions 3D) générées séquentiellement selon l'approche choisie par le dessinateur. C'est la forme de modélisation la plus courante dans les outils de CAO. Très performante, cette technique a cependant ses limites. On citera la dépendance aux versions de logiciels employés, la difficulté de retoucher un modèle conçu par autrui, enfin, l'apprentissage souvent laborieux.
Et puis la modélisation directe est arrivée en 2006/2007 avec deux produits semblables : SpaceClaim développé par la société éponyme, et OneSpace Modeling de CoCreate. Ce dernier a été racheté par PTC et intégré depuis dans le nouveau Pro/E baptisé entre temps Créo. SpaceClaim, lui, a poursuivi son bonhomme de chemin et fait des émules chez ses concurrents. En effet, Solid Edge avec Synchronous Technology et Inventor avec Fusion intègrent eux aussi des outils de modélisation directe.
Cette approche permet de retoucher la géométrie, sans tenir compte des dépendances ou des paramètres. Toutes les modifications sont appliquées sur le modèle 3D. Vous sélectionnez avec le curseur les géométries comme les contours, les surfaces, les chanfreins, ou les trous, pour les réduire, les étendre, les repositionner, les faire pivoter ou les extruder. La visualisation en temps réel fournit un retour d’information immédiat sur vos actions. Cette démarche est également valable pour l'exploration conceptuelle. Vous pouvez créer des esquisses et des assemblages à main levée sans tenir compte des liens ou de toute autre limitation, sachant qu’il est possible d’annuler les modifications à tout moment.
Notons que la modélisation directe peut également être paramétrique. Dans la dernière version de SpaceClaim, par exemple, il est possible de piloter des cotes à partir de fichiers externes via des API. Des outils similaires sont disponibles au sein des solutions concurrentes citées dans ce dossier. Notons également qu'elle ne remplace pas la technologie classique, mais la complète en permettant de passer d'un mode à l'autre en fonction de la tâche à accomplir. Enfin, sa relative simplicité d'utilisation permet d'intégrer dans le processus de conception des non-spécialistes de la CAO et, lors d'une revue de projet par exemple, de répercuter les demandes de modification en quasi temps réel…
La CAO n'est qu'une brique de vote édifice
L’interopérabilité du logiciel de CAO avec son environnement informatique est la seconde tendance forte de ces dernières années. Comme l'explique Guy Carlier directeur commercial d'Aricad, VAR d'Autodesk, "lors du choix, il faut avoir une vision globale de son entreprise. Le logiciel doit pouvoir communiquer facilement avec les autres modeleurs CAO, outils de calcul, de gestion de production, etc. Mais il faut penser également à la gestion de toutes les méta-données d'un projet : notes de calcul, devis, plans 2D, tarif de fournisseurs. Inventor est compris dans une suite logicielle qui traite ces différents aspects de manière intégrée."
On le comprend, la CAO s'insère dans un environnement informatique complexe. Les données géométriques sont réutilisées pour des opérations de calcul numérique, de rendu réaliste, pour planifier les étapes de fabrication, éditer des brochures techniques, etc. Enfin, les bureaux d'études sont la plupart du temps multi-CAO. Ils doivent souvent opter pour le même outil que celui de leurs donneurs d'ordres et multiplient les équipements. Finalement, les projets complexes sont parfois le résultat d'assemblage de pièces dessinées sur des logiciels différents.
Grâce aux interfaces Iges, Step, et autres, on peut s'échanger des modèles 3D de modeleurs différents, mais sans l'intention de conception du dessinateur. Ce que font en revanche les interfaces natives. Grâce à elles, vous pouvez intégrer à votre maquette numérique un fichier provenant d'une CAO différente de la votre. Mais il y a toujours conversion vers le modeleur que vous utilisez. Et donc difficulté à modifier l'élément en question. Les récentes versions de Solid Edge, de SpaceClaim et d'Inventor réinterprètent cette géométrie selon le modèle de données qui leur est propre. Comme l'explique Serge Gauthier, dirigeant d'Abisse, l'un des principaux revendeurs des produits Siemens, "grâce à la capacité de TeamCenter et de TeamCenter Express de gérer des formats de fichiers issus de CAO concurrentes, nos clients peuvent y apporter des modifications, y compris sur leurs structures et leurs méta-données. Le tout sans conversion de données, grâce au format ouvert JT reposant sur Parasolid. Cette capacité devrait donc faciliter les échanges de données, notamment entre donneurs d'ordres et sous-traitants."
Reste, que si les éditeurs promettent une interopérabilité toujours plus poussée à chaque version nouvelle de leurs logiciels, rien ne remplace un test in-situ avec vos propres données, et vos propres logiciels, sans vous limiter à la CAO !
De la CAO au PLM
Troisième axe de développement pour les éditeurs : étoffer leur offre CAO initiale. Ils ont donc au cours des années acquis, ou développé en interne, des modules et outils métiers intégrés depuis à leur logiciel de CAO. Gestion de données techniques départementale, imagerie réaliste, calcul numérique, conception de systèmes électriques, HVAC, estimation de coût de projet, calcul d'impact écologique des produits, conception de pièces plastiques, de pièces de tôlerie, FAO, etc. font partie des portfolios disponibles.
D'ailleurs, Siemens, SolidWorks et depuis peu Autodesk proposent des suites logicielles qui intègrent plusieurs outils complémentaires. Ces suites sont spécifiquement conçues pour des activités identifiées comme la conception généraliste, le Plant Design, le Factory Design, ou le Product Design pour détailler l'offre Autodesk par exemple. Généralement, ces offres sont disponibles selon différents degrés de complétude.
La conception géométrique d'un produit ou d'un sous-ensemble n'est en effet qu'une étape du processus industriel. D'autres phases projet prennent de plus en plus d'importance. Il faut pouvoir par exemple communiquer des images voir des animations réalistes à son client, réaliser rapidement un sketch numérique, travailler avec une maquette numérique dans le cas de projets complexe, mais aussi gérer les données techniques et assurer une traçabilité des développements.
Bref, d'une part le bureaux d'études ne travaille plus seul et ses données géométriques doivent s'intégrer dans d'autres départements de l'entreprise, et d'autre part, il ne peut se contenter d'être un simple créateur de modèles géométriques. Même dans le cadre d'une CAO orientée produit, les processus de l'entreprise, les échanges de données avec les partenaires, l'évolution des exigences clients doivent être pris en compte. De la CAO au PLM, il n'y a même plus en pas…
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