Comment simuler la résistance d’un barrage hydraulique à un séisme, d’un réacteur nucléaire à la fusion du cœur, ou encore évaluer le vieillissement d’installations électriques ? La réponse d’EDF : Code_Aster, un solveur qui fête ses vingt ans. L’occasion de revenir sur une solution atypique dans le monde du calcul.
C’est pour répondre à ses propres besoins qu’en 1989 EDF décide de développer en interne un code de calcul généraliste fondé sur les éléments finis. Ce choix traduisait une motivation multiple : maîtriser les modélisations numériques de ses ouvrages, inscrire au sein d’un outil unique et intégré ses travaux de R&D, permettre le transfert rapide des méthodes et modèles mis au point par la R&D vers l’ingénierie, enfin, s’assurer de la validité et de la qualité de ses analyses, en toute indépendance des éditeurs de logiciels. Ces desseins s’inscrivaient finalement dans une solution « maison » garantissant sa pérennité, une contrainte majeure pour un tel organisme. Car les analyses structurelles qu’EDF réalise sur son parc d’installations sont implicitement à longue échelle de temps. Elles imposent naturellement des exigences fortes en matière de traçabilité et de qualité, notamment dans le cadre des engagements de sureté nucléaire.
ASTER signifie « Analyses des Structures et Thermomécanique pour des Études et des Recherches ». Cet outil certifié par les autorités de sureté de l’Etat est le seul code de calcul mécanique utilisé aujourd’hui par EDF pour ses applications de calcul structurel. Même si depuis son lancement, Code_Aster a évolué, il se positionne résolument comme un outil pour expert. C’est avant tout un solveur destiné à résoudre différents types de problèmes mécaniques, thermiques, acoustiques, sismiques, etc. Il nécessite donc un environnement pour être exploité : pré et post-processeurs de traitement des données, et éventuellement outil métier. En aucun cas il ne peut être comparé à une solution de pré-dimensionnement ou à une solution presse-boutons. L’approche des risques de vieillissement des composants nécessite la représentation de l’historique des chargements, de la fabrication aux cycles d’exploitation, tenant compte des éventuelles réparations. Les hypothèses de calcul auxquelles il répond sont nettement plus exigeantes que celles de l’ingénierie classique de conception. Ses modèles numériques intègrent donc systématiquement des approches non-linéaires, des effets thermiques, des sollicitations dynamiques, ou encore des interactions fluides/structures.
Vingt ans après son lancement, cet outil a fait du chemin. Depuis 2001, il est en effet disponible gratuitement en licence open source GNU GPL*. Une manière originale choisie par EDF pour garantir l’avenir de son outil. Et un choix assez logique, puisque l’organisation des travaux d’élaboration de Code_Aster s’appuyait déjà sur un réseau de compétences au sein d’EDF, un mode qui préfigurait celui du monde des logiciels libres. En vingt ans, près de 200 développeurs et une vingtaine de thèses ont ainsi été intégrés dans le cœur du code.
Depuis huit ans donc, cet outil a bénéficié de l’enrichissement apporté par la communauté qui s’en est emparé.
L’architecture modulaire du code permet d’accueillir facilement de nouveaux modèles et fonctionnalités. Il peut donc s’interfacer avec des solutions externes métier, des développements à façon et tout module de traitement de données. Plusieurs partenariats académiques ont d’ailleurs été noués et une convention de co-développement a été signée entre EDF R&D et l’IFP (Institut Français du Pétrole). Ce dernier s’est appuyé sur Code_Aster pour modéliser les discontinuités de matière afin de représenter les grands glissements. EDF de son côté utilise ces travaux pour simuler le comportement de joints au sein de ses barrages. On citera également le Sétra (Service d’Etudes Techniques des Routes et Autoroutes) qui développe un outil métier fondé sur Code_Aster pour réécrire ses programmes de calcul de structure d’ouvrage type comme les ponts autoroutiers, les ponts dalles, etc. afin de les rendre conformes au nouveau contexte réglementaire.
Plusieurs entreprises aujourd’hui proposent leurs services pour du développement à façon, de l’intégration ou de la formation autour du logiciel ; on citera par exemple NECS, Logilab, DeltaCad ou encore Nesys Ingeniering.
Tous les deux ans environ, une nouvelle version de Code_Aster est disponible. Dernière évolution du logiciel, son intégration au sein d’une plateforme de calcul baptisée Salomé-Méca. Constituée de manière modulaire, celle-ci intègre autour du solveur d’EDF, les différents éléments nécessaires à son exploitation : pré et post-processing des données, ainsi que gestionnaire des analyses effectuées.
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