Le dialogue entre les applications de CAO mécanique et électronique ne cesse de s’améliorer. L’objectif des éditeurs, créer des liens encore plus forts entre les deux monde et passer encore plus d’informations, mais aussi assurer la gestion fiable des modifications.
Quand on développe des produits mécatroniques, autrement dit que l’on insère de l’électronique dans des composants mécaniques, pas question de travailler avec des outils qui ne se comprennent pas. Il faut de l’interopérabilité. Les informations les plus importantes d’une carte qui doivent pouvoir glisser dans le monde de la mécanique ? « Le contour de la carte, les emplacements des composants, des trous, l’encombrement vertical de la carte côté composants et côté soudure, les zones de restriction en Z… », retient Philippe Bridenne, business développement manager chez Mentor Graphics France.
IDF, le standard
Pour partager ces données, les éditeurs proposent plusieurs solutions. D’abord, le format IDF (intermediate data format). Le principe est simple : les composants électroniques et leur carte sont récupérés par la CAO mécanique qui reconstruit un modèle de l’ensemble carte+composants en piochant dans une bibliothèque de correspondance interne, ou en appliquant une cote en Z à chaque composant, à partir de sa hauteur lue dans l’IDF. « Cette technique permet d’avoir une vision en 3D de la carte, de définir des zones d’implantation des composants et des pistes, de faire des calculs d’interférence avec des solides et même de faire des calculs de poids des cartes en passant par la densité massique des composants récupérés, commente Pascal raynaud, spécialiste CAO mécanique sénior chez PTC. Pro/Engineer propose notamment ces fonctionnalités dès sa version de base ».
Et ce format permet d’aller assez loin, comme gérer des cartes flexibles. Exemple dans Catia, qui bénéficie d’une fonction dédiée à ces technologies : « Le technicien modélise sa carte en 3D, puis il y place ses composants. L’ensemble est ensuite déplié pour obtenir le contour à plat, envoyé en conception électronique via un fichier IDF, avec mention des zones flexibles. L’électronicien fait son routage et renvoie un IDF, replié par Catia », détaille Manuel Rei, responsable de la solution collaborative mécatronique chez Dassault Systèmes (DS).
Tracer les modifications
Selon Grégory Naillat, consultant PLM chez Siemens PLM Software, « une des principales difficultés de la mécatronique réside dans la garantie que les modifications des électroniciens soient bien prises en compte par leurs collègues du bureau d’étude mécanique. En effet, il ne s’agit pas d’avoir terminé la conception et la validation d’une carte pour se rendre compte qu’elle est trop encombrante pour le rack mis à disposition sur le projet ». Or la solution IDF, est efficace, mais ne prend pas en compte les modifications réalisées. Pour cela, les partenaires doivent recharger le modèle de la pièce en développement, parfois sans voir les différences avec la version précédente. Avec ECAD-MCAD Collaborator, construit autour du format EDMD (Electrical Design Mechanical Design) défini par l’association internationale Prostep, Mentor Graphics et PTC vont un peu plus loin, en organisant la collaboration des partenaires mécaniciens et électroniciens. « Cette technologie intègre un protocole de dialogue qui permet d’organiser les modifications des modèles dans chaque discipline. Un mécanicien peut demander un changement sur une carte et l’électronicien accepte ou non. Et le système garde une trace de ce dialogue », explique Philippe Bridenne. Autre avantage, EDMD ne véhicule que des changements incrémentaux. Les informations qui transitent sont donc très légères. Or, « dans le monde du téléphone portable, par exemple, il peut y avoir une vingtaine de demandes de changements par jour pour une simple led », explique-t-il.
« Nous avons développé notre partie de l’interface. Aux éditeurs de CAO mécanique de développer la leur pour assurer les échanges », déclare Philippe Bridenne. Pour l’heure, seul PTC s’est engagé dans cette voix. Côté visualisation, cela se traduit dans Pro/Engineer par deux solutions : une vue en 3D sans détail, ou une vue 2D complètement détaillée, avec pistes et composants, comme elle l’est dans la solution électronique. Intérêt : « Cela peut être utilisé par des non spécialistes », explique Pascal Raynaud. La gestion de données, quant à elle, est assurée par PDMLink.
Les limites du format de Prostep ? « Les pistes de cuivre ne sont pas prises en compte, reconnaît Philippe Bridenne, de Mentor Graphics. Certains clients placent des éléments métalliques sur leurs cartes. Il est important pour eux de garantir que ces pièces ne créerons pas de court-circuit ». Mais cette lacune devrait vite être levée. « C’est prévu dans nos roadmaps », assure le business manager.
Des liens directs entre CAO
La dernière solution pour assurer des liens forts entre les deux mondes ? L’interface directe.
C’est ce que propose Dassault Systèmes pour communiquer avec le CR 5000 de Zuken. « On passe toute la géométrie de la carte dont les pistes de cuivre et les informations électriques liées au composant », commente Manuel Rei. La traçabilité des échanges des données est traitée par Enovia. La visualisation de la carte est complète. Un point parfois crucial. « Nous avons un client qui fait des mouvements de montre dans lesquels une carte est pincée sur le corps métallique de la montre. Pour bien concevoir sa partie, le mécanicien doit voir la carte avec ses pistes, pour ne pas les recouvrir », explique le responsable de la solution mécatronique de DS. Attention il y a des règles dans ces échanges. Par exemple, le mécanicien ne peut demander un changement sur la carte mais pas la modifier lui-même. « L’électronicien reste maître du positionnement et du routage », explique Manuel Rei.
En février, Zuken a lancé un autre outil, plus universel, assurant une meilleure collaboration avec toutes les applications de CAO (Voir encadré page ss). « Mais le partage par interface directe apporte beaucoup plus de choses », insiste Manuel Rei, car Catia peut alors récupérer des données relatives aux propriétés thermiques sur le composant, les signaux portés par la carte… Bref, quantité d’informations qui seront utiles pour la représentation en 3D, mais aussi pour la constitution de modèles automatiques pour des simulations dans Simulia.
La simulation un point essentiel
La simulation constitue d’ailleurs un point capital dans les développements mécatroniques. Certaines analyses sont faites directement dans les outils de PCB, comme celles de contrôle d’intégrité de signal ou de distribution de puissance ou d’hyperfréquences. Mais elles s’arrêtent alors au cadre électronique. Même remarque pour la compatibilité électromagnétique, que l’on ne peut mettre en ouvre en trois dimensions qu’au prix de travaux d’experts pointus. Dans le domaine thermique, par contre, les choses avancent vite. Fruit, notamment, de l’entrée de Flomerics chez Mentor Graphics, « nous avons des outils en interne qui permettent de créer un modèle thermique complet d’une carte à partir de celui de ses composants, grâce à une bibliothèque spécifique », annonce Philippe Bridenne. Selon Manuel Rei, de DS, cela serait également possible dans Catia en passant par des solutions partenaires. Les éditeurs travaillent désormais sur la possibilité d’automatiser ces opérations et de les simplifier.
L’avenir
A l’avenir, les solutions mécatroniques iront toujours plus dans le détail. « Nous avons des demandes pour aller plus loin dans la visualisation de la carte en 3D », témoigne Pascal Raynaud. Elles devront aussi supporter des technologies nouvelles. « Certains clients veulent se passer de cartes électroniques et déposer les composants directement sur des coques ou des pièces, pour l’électronique de puissance d’un composant mécatronique, par exemple », commente Manuel Rei. Les connections étant assurées par des « bondings », du routage dans l’espace. « Il est logique de traiter de type de développements en mécanique », déclare-t-il. DS étudie notamment ce genre de développement dans le cadre du projet de R&D O2M, porté par Valéo au sein du pôle de compétitivité Mov’eo. Le projet qui arrive au terme de sa première phase doit donner lieu à des démonstrateurs basés sur des scénarios clés de l’industrie. La seconde phase démarrera dès juillet avec de nouveaux objectifs, parmi lesquels la gestion de ces nouvelles techniques, mais aussi la définition des données à renseigner et échanger afin de pouvoir, avant même de définir une carte, lancer des simulations de fonctionnement de dispositifs multiphysiques dans le monde 3D, à partir d’informations liées aux composants.
Du côté des éditeurs de solution électroniques aussi, on s’attaque au futur. Chez Mentor Graphics, 3DViewer permet déjà de visualiser les cartes, synchronisées avec le PCB, dans l’espace. Dans sa dernière version sortie en mars, elle supporte désormais les cartes électroniques, mais également des technologies nouvelles telles que les modules multipuces (Multichip modules MCM) ou les routages 3D (bondings), pour lesquelles la troisième dimension devient incontournable.
Les technologies avancent à grand pas, mais les outils mécatroniques font face à leurs limites. « En design mécatronique, la limite réside dans le traitement de très gros assemblages car ils peuvent vite être composés de dizaines de milliers de références (composants électroniques + mécaniques + câbles et connecteurs). L’arrivée récente des machines 64 bit permet de relever cette limitation, mais ces nouvelles configurations ne sont pas encore communes chez nos clients », explique Grégory Naillat, de Siemens PLM Software. Après les efforts de communication, les logiciels de conception devront donc s’attaquer à un autre chantier : leur simplification.
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