Adobe prend du poids. L’omniprésence du format PDF, sa prise en charge de la 3D et la montée en puissance de ses outils de collaboration en font un outsider sérieux pour les ténors du PLM.
Avec un chiffre d’affaires de 3,8 milliards de dollars, Adobe se place au sixième rang mondial des éditeurs. Près de 92% des PC sont équipés d’Acrobat Reader et les technologies de l’éditeur sont globalement présentes sur plus de 700 millions d’ordinateurs dans le monde. Une présence qui aujourd’hui ne se cantonne plus au grand public ou aux professionnels de l’image, mais s’installe pour de bon dans l’industrie manufacturière et ses bureaux d’études. Pour l’illustrer, l’entreprise américaine organisait en juillet dernier l’Engineering Forum où plusieurs de ses clients, et pas des moindres, témoignaient de l’utilisation de ses logiciels dans leur process de développement produit.
L’échange d’information : un chantier à ciel ouvert
C’est une Lapalissade de dire que le travail collaboratif se nourrit du partage d’informations entre collaborateurs. C’est pourtant la difficulté première rencontrée par les industriels qui s’essaient depuis plusieurs années et avec plus ou moins de réussite à l’ingénierie concourante. La problématique se « résume » à gérer trois diversités : des données à échanger, des « clients de ces données », enfin de la propriété intellectuelle si l’on travaille avec des partenaires extérieurs.
Comme le soulignait Denis Debaecker de Vinci Consulting, « les entreprises manufacturières doivent faire face à plusieurs défis parfois antagonistes : la globalisation low cost (avec entre 70 et 90% de la production sous-traitée), l’éco-design de leur produit, l’exigence d’innovation constante et en même temps une visibilité plus courte de leurs activités. » Et le « camp de base » des sociétés françaises n’est guère favorable à relever ces challenges. « On constate une incompréhension entre les différents services, les métiers restent cloisonnés et la collaboration est plus orientée système que métier. Dans ces conditions, l’échange de données est peu efficient. Pour continuer le tableau, les systèmes d’informations sont hétérogènes, les outils parfois contournés ou mal maitrisés par les utilisateurs. Enfin, il y a de nombreuses fissures entre les systèmes et le bon vieux tableur reprend la place des outils de gestion. Au final, près d’un quart du temps d’étude est consacré à la recherche de l’information. Pour cela, le téléphone, le mail et le réseau personnel sont souvent préférés aux outils plus modernes. Avec pour conséquence de nombreuses inconnues quant à la fraicheur de l’information, son évolution potentielle, etc. »
Bref, il reste du travail. Trois pistes de progrès émergent selon le consultant. La première est de construire avec rigueur l’information échangée, tant en interne qu’avec les partenaires et sous-traitants. La seconde est de mettre en place une structure la plus souple possible, qui permette de s’adapter rapidement aux changements. Enfin, il devient urgent d’automatiser les systèmes d’information grâce à des processus outillés, tout en conservant à l’esprit qu’un applicatif puissant mais peu utilisé ne sert à rien !
On le devine, ce chantier évolutif représente un marché juteux pour Adobe dont les technologies trouvent là leur pleine application. Acrobat intègre en effet les données 3D issues de la CAO, Acrobat Connect Pro permet de partager une application logicielle avec un partenaire distant, enfin, LiveCycle facilite la collecte des données, leur sécurisation et leur distribution au sein de l’entreprise étendue.
Qui exige la standardisation des outils employés
Pour preuve, le témoignage de Jean-Luc Jarrige, A350 DMU Process Integrator chez Airbus. Le constructeur d’avion et sa maison mère EADS sont en pleine restructuration de leurs outils de gestion de données. Le projet Phoenix, déjà évoqué dans nos colonnes, qui vise l’harmonisation des outils PLM pour les projets actuels illustre bien l’ampleur de la tâche. L’organisation industrielle de l’avionneur, éclatée sur une douzaine de sites européens, centralise tous les développements autour de la maquette numérique de l’avion. Or, sur des projets récents comme l’A350 et l’A 400M, il devient indispensable que les participants au développement puissent accéder rapidement et de manière nomade aux données.
Il est impossible que tous utilisent les outils de création de contenu (Catia V4 et V5), de gestion de maquette (VPM et Delmia de Dassault Systèmes) ou de cPDM (WindChill de PTC) employés par la firme. « Nous avons testé plusieurs outils du commerce proposés par Dassault Systèmes, PTC et Adobe sur quatre cas typique d’emploi : présentation/discussion, publications techniques, maintenability ou encore analyse avancée de la maquette numérique. Finalement, c’est Acrobat Pro Extended qui a été choisi » explique Jean-Luc Jarrige. Cet outil de visualisation avancée est en cours de déploiement en interne et chez les partenaires. « Reste que nos besoins de visualisation ne cesse d’augmenter. Nous avons besoin d’outils de filtrage permettant de sélectionner précisément ce que l’on souhaite afficher selon une large panoplie de variables combinables entre elles : critères géométriques, type de donnée, configuration de l’appareil, vision organisationnelle, structurelle, type de matériaux, statut d’assemblage, provenance… Nous travaillons actuellement sur cet aspect afin de fournir à tous les utilisateurs un accès à la maquette numérique mécanique, mais également électrique ! »
Une démarche similaire pour l’équipementier automobile Valéo qui doit faire avec une organisation tentaculaire : 61 centres de R&D et 122 sites mondiaux ! Le fabricant utilise depuis 2001 l’outil de GDT Matrix associé à Catia V5 et Cadence pour la conception mécanique et électrotechnique. Les besoins de visualisation de données ne cessent de croitre sur ce secteur où les temps de développement diminuent comme peau de chagrin et où l’innovation est la clé du succès. « Nous devions améliorer les capacités de collaboration de près de 8000 utilisateurs confrontés à quelques 350 000 fichiers CAO et 170 000 documents de bureautique. Cela passait par l’unification des outils de visualisation que nous utilisions déjà et par l’extension de leurs capacités. Cette convergence s’est cristallisée sur le viewer gratuit Acrobat que nous avons déployé partout, y compris chez nos fournisseurs. L’outil a l’avantage d’utiliser la technologie TTF de conversion de plans CAO déjà connue de nos services et en outre d’être indépendant des grands éditeurs de PLM » détaille François Legrand Ingénieur Système d’Information. Un projet peu complexe et peu coûteux… La suite est plus ambitieuse, puisque Valeo envisage de mettre en place la gestion des annotations dans le PLM, éviter les fuites de savoir-faire en bridant la précision au dixième de mm des plans visualisés, ou encore mettre en œuvre des revues de projet collaboratives synchrone.