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LA TECHNOLOGIE ET SES LIMITES

Je suis plutôt fan de technologie. Difficile de faire autrement puisque je gagne ma vie depuis près de trente ans en écrivant des articles sur l’un de ses piliers : le numérique. Est-ce une lassitude, une dépression automnale ou l’âge de raison enfin atteint ? Peu importe, j’ai de plus en plus l’impression que la créature échappe à son créateur.

Aucun doute, la technologie a toujours décuplé la puissance de l’Homme. Pendant des siècles, il s’agissait d’accroître nos forces physiques, nos capacités de déplacement et de déléguer à la machine les tâches les plus pénibles. Transports mécaniques, machinisme industriel, médecine moderne ou moteurs de toutes sortes sont des conquêtes indéniablement positives pour l’Homme.

Depuis l’avènement de l’électronique et de l’informatique, ce sont nos capacités cognitives que nous avons ensuite externalisées. A ce stade, les doutes s’installent.

Pour les générations précédentes, ce sont des compétences fondamentales que nous avons perdues. GPS, agenda électronique, moteur de recherche, correcteur automatique, par exemple, remplacent le sens de l’orientation, nos facultés à hiérarchiser des tâches quotidiennes, à mémoriser des informations ou à apprendre la syntaxe de notre propre langue. Et si l’on pousse vers l’intelligence artificielle, des scientifiques comme Stephen Hawking et des géants industriels comme Bill Gates ou Elon Musk tirent le signal d’alarme sur les dangers que cela représente pour l’espèce humaine !

La technologie est également un moyen de conjurer nos peurs ou nos difficultés comme la solitude. La radio, la TV, puis internet, les réseaux sociaux et une multitude d’applications sur nos smartphones nous donnent le sentiment de faire partie d’une ou plusieurs communautés, d’avoir une importance, en un mot d’exister. Une existence certes, mais virtuelle, factice, qui brouille nos compétences d’interaction émotionnelle sincère avec notre entourage et le temps que l’on y consacre.

Enfin, dépasser nos déficiences physiques, retarder le vieillissement, voire repousser la mort sont le troisième moteur fondamental de nos avancées technologiques. Avec le transhumanisme ou l’eugénisme facilité par les techniques de procréation médicalement assistée, on comprend vite les dérives potentielles de cette volonté toujours plus forte de maîtriser notre condition humaine.

On peut donc se poser la question. Cette recherche frénétique de maîtrise de notre environnement nous donne-t-elle réellement plus de pouvoir ? Ne s’accompagne-t-elle pas d’une perte de vitalité, de compétences biologiques, d’enrichissement personnel à vivre pleinement le présent ? A force de déléguer nos paresses aux machines, ne perdons-nous pas le sens réel de l’existence humaine ?

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