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Pour le secteur industriel mondial, 2023 sera une année pleine d’incertitude et de potentiel. Cette incertitude et ce potentiel résultent en partie de trois grandes tendances : la perturbation des chaînes d’approvisionnement, la durabilité, et la rotation du personnel. Ces trois défis sont liés, et chacun d’eux constitue une opportunité d’innovation et de transformation, surtout en raison des progrès accomplis dans le domaine des technologies numériques. Aujourd’hui, la numérisation offre une voie d’avenir aux entreprises : elle améliore la capacité de leurs différents services à collaborer entre eux pour obtenir des informations précieuses, elle renforce leurs capacités de collecte et d’analyse des données, et elle leur permet de gérer des chaînes d’approvisionnement mondiales très diversifiées. La mise en œuvre d’une stratégie de numérisation offre également une base naturelle sur laquelle les entreprises peuvent s’appuyer pour adopter certaines des technologies les plus passionnantes du moment : la fabrication additive, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique (IA/ML), la réalité augmentée et la réalité virtuelle (AR/VR), les logiciels hébergés dans le cloud ou disponibles sous forme de services, et le métavers industriel.
Chacune de ces technologies offre des avantages et des possibilités qui peuvent aider les entreprises à élaborer des solutions pour relever les défis que posent la perturbation des chaînes d’approvisionnement, la durabilité, et l’évolution du personnel. En 2023, ce sera grâce à la numérisation et à l’exploitation de ces technologies avancées que les entreprises pourront surmonter les défis auxquelles elles seront confrontées et saisir les opportunités qui ne manqueront pas de se présenter.
La perturbation des chaînes d’approvisionnement est source d’incertitude
En 2022, les entreprises ont continué de souffrir des perturbations affectant les chaînes d’approvisionnement : il leur a été difficile de se procurer les matériaux nécessaires et de continuer à faire fonctionner de façon efficiente leurs écosystèmes de fabrication et de logistique. Les difficultés persistantes rencontrées par de nombreuses entreprises pour se procurer suffisamment de matériaux ou de composants pour répondre aux demandes de leurs clients ont mis en évidence la fragilité de nombreuses chaînes d’approvisionnement de par le monde. Tout en œuvrant pour renforcer à court terme leurs chaînes d’approvisionnement, les entreprises doivent préparer l’avenir en s’assurant qu’elles pourront obtenir les matériaux et les composants dont elles auront besoin pour fabriquer leurs futurs produits. L’industrie automobile, par exemple, a souffert d’une pénurie persistante de certains composants électriques et électroniques qui lui sont indispensables pour pouvoir offrir les fonctionnalités avancées que les consommateurs exigent aujourd’hui (figure 1). Bien que cette pénurie se soit un peu atténuée au cours des derniers mois de 2022, la demande de véhicules offrant des fonctionnalités avancées devrait continuer de croître et exercer une pression supplémentaire sur l’approvisionnement pour ces composants. En outre, de nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement critiques sont quasiment inévitables. Ainsi, le prochain grand problème d’approvisionnement pourrait concerner les matières premières nécessaires pour la fabrication de batteries, les constructeurs automobiles misant beaucoup sur l’électrification en 2023.
Mais l’industrie automobile n’est pas la seule à faire face à des perturbations majeures en matière d’approvisionnement et à une forte incertitude. Le secteur de l’énergie a connu non seulement des turbulences majeures dues à des conflits géopolitiques réduisant la disponibilité des combustibles fossiles pour la production d’électricité, mais aussi un accroissement de la demande pour une production durable qui a dépassé la capacité actuelle du secteur à fournir des composants-clés pour les centrales électriques vertes. En outre, il semble que dans tous les secteurs les entreprises aient été confrontées à des retards de production, à des problèmes de logistique et à une concurrence accrue pour s’approvisionner en matériaux ou composants clés auprès du nombre limité de fournisseurs disponibles. Ce qui paraît certain, c’est qu’un grand nombre de ces problèmes perdureront en 2023 et au-delà. En réaction, les entreprises investissent pour remédier à ces pénuries prolongées, en relocalisant leurs capacités de production, en développant des partenariats avec de nouveaux fournisseurs ou en internalisant la production de certains composants-clés. Par exemple, de nombreux constructeurs automobiles ont adopté cette stratégie pour la conception et la production des composants à semi-conducteurs des puissants calculateurs qui seront intégrés dans les véhicules sophistiqués de demain. Dans le même temps, les entreprises s’efforcent de devenir plus agiles et plus résilientes pour se préparer à la prochaine perturbation majeure. Leurs stratégies consistent notamment à améliorer leur capacité à prévoir les problèmes d’approvisionnement, les ralentissements économiques et divers autres facteurs susceptibles de perturber leurs opérations.
Le jumeau numérique offre des solutions pour la chaîne d’approvisionnement
Les difficultés que les entreprises ont rencontrées ces dernières années montrent clairement les limites des outils qu’elles utilisent pour essayer de comprendre et de gérer leurs chaînes d’approvisionnement. Dans le monde entier, malgré la complexité et la taille croissantes de ces chaînes, de nombreuses entreprises continuent d’utiliser des moyens relativement simples pour les surveiller et les gérer. Pourtant, bien qu’il soit souvent utilisé pour la conception et l’ingénierie des produits, le jumeau numérique peut également modéliser les chaînes d’approvisionnement et les processus métier afin d’aider les entreprises à mieux comprendre les complexités de leurs chaînes de valeur pour pouvoir identifier les problèmes et élaborer des solutions. Cette méthode impose toutefois de disposer d’une grande quantité de données provenant de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise, et seule la numérisation permet de disposer d’une vue aussi large.
Héberger les jumeaux numériques de leurs chaînes d’approvisionnement et de leurs processus métier dans le métavers industriel permet aux entreprises d’exploiter la puissance du calcul à grande échelle et des outils de visualisation approfondie pour analyser et interroger ces jumeaux numériques. L’une des principales lacunes des solutions de gestion de la chaîne d’approvisionnement les plus répandues est leur incapacité à permettre aux chefs d’entreprise d’apprécier le contexte ou la situation au niveau de l’ensemble d’une chaîne. En revanche, un jumeau numérique complet de la chaîne d’approvisionnement hébergé dans le métavers industriel – qui exploite les technologies existantes, y compris les technologies AR/VR – permet de créer des visualisations intuitives qui sont plus faciles à comprendre que des points sur un graphique ou des chiffres dans un tableau. Cela peut contribuer à permettre aux chefs d’entreprise de mieux connaître la situation à l’échelle mondiale, à condition, là encore, que d’énormes quantités de données soient disponibles (figure 2).
En outre, l’intégration de l’IA/ML dans la plateforme du métavers industriel augmentera encore la valeur pouvant être extraite des jumeaux numériques. L’IA/ML excelle déjà à trier et classer de grands ensembles de données afin de ne présenter que les informations les plus utiles à l’utilisateur. Appliquée à la gestion de la chaîne d’approvisionnement, cette combinaison technologique peut aider à trier et organiser rapidement les quantités massives de données qu’une chaîne d’approvisionnement mondiale moderne produira, et ainsi permettre aux utilisateurs de se concentrer plus facilement sur les tendances et les schémas les plus importants présents dans les données recueillies. Une telle solution offre également des avantages durables, car plus un système d’IA/ML est utilisé, plus il est capable de reconnaître les schémas, et même de prédire les problèmes d’approvisionnement avant qu’ils ne surviennent.
Durabilité
2023 sera également une année importante dans l’effort mondial pour rendre l’industrie durable. Les entreprises continueront d’adopter de nouvelles approches pour devenir plus durables tout en restant rentables, en limitant leur consommation de ressources, en augmentant leur efficience énergétique et en réduisant leurs émissions (figure 3). Ces efforts seront cruciaux pour assurer l’avenir des entreprises, d’autant plus que de nouvelles réglementations en matière de durabilité entreront en vigueur dans le monde entier.
Le défi pour de nombreuses entreprises consiste à acquérir une compréhension globale (c’est-à-dire une compréhension complète de leur performance en matière de durabilité) de leurs processus, de leur chaîne d’approvisionnement, de leur utilisation des matériaux, etc. À chaque matière première, composant ou sous-système présent dans un produit correspondent des considérations de durabilité, qui incluent notamment les méthodes employées pour l’extraction des matières premières, les matières premières supplémentaires (telles que l’eau) utilisées lors du raffinage et de la production, les formes d’énergie utilisées à chacune de ces étapes et les émissions qui en résultent. Pour qu’une entreprise puisse développer cette compréhension globale, il faut qu’elle suive chacun de ces impacts environnementaux pour chaque matériau, composant, produit et processus qu’elle élabore ou utilise.
En 2023, lorsque les entreprises s’efforceront de mettre en œuvre des programmes de durabilité, il sera essentiel qu’elles élaborent ou adoptent une méthode efficiente et évolutive de suivi de leurs objectifs et de leurs performances dans ce domaine. Cela impliquera de collecter des données dans l’ensemble de l’entreprise et de sa chaîne d’approvisionnement pour produire un historique détaillé de la durabilité des nombreux composants, matériaux et sous-systèmes qui constituent les produits modernes, mais aussi des systèmes de production et des processus métier utilisés dans les différents écosystèmes industriels impliqués. Les entreprises devront également gérer et analyser ces données afin d’identifier les pratiques non durables, de développer de nouveaux processus respectueux de l’environnement et d’intégrer les exigences de durabilité dans le développement de leurs produits.
En plus de contribuer à préserver l’environnement, ces importants efforts seront récompensés par de nouvelles opportunités commerciales, une réduction des coûts opérationnels, une meilleure efficience, et un avantage concurrentiel majeur pour le recrutement de nouveaux talents. En effet, les pratiques durables sont devenues un facteur-clé de différenciation sur le marché du travail. De plus en plus d’employés potentiels recherchent des entreprises qui leur offriront des salaires et des avantages sociaux compétitifs tout en leur permettant d’éprouver un sentiment de fierté et de responsabilité dans leur travail. Un bilan solide en matière de durabilité est souvent l’un de leurs critères de sélection les plus courants et les plus importants.
La technologie permet de développer de nouvelles solutions pour la durabilité
En 2023, la durabilité représentera certainement un défi, mais elle offrira aussi aux entreprises une chance de devenir plus efficientes, plus compétitives et mieux préparées à l’évolution de leur secteur. Intégrer des technologies de numérisation avancées permet aux entreprises d’identifier plus facilement les avantages latents inhérents à la durabilité. À bien des égards, le défi consistant à devenir une entreprise plus durable est étroitement lié aux défis de la construction et de la gestion d’une chaîne d’approvisionnement mondiale (figure 4). Par conséquent, les programmes de durabilité peuvent aussi bénéficier grandement de la puissance de l’IA/ML. Par exemple, un moteur d’IA/ML peut aider une entreprise à automatiser l’agrégation des informations dont elle a besoin pour acquérir la compréhension globale décrite plus haut, lui permettant ainsi d’éviter de surcharger ses employés en leur imposant des tâches fastidieuses de recherche d’informations. Cette compréhension globale aidera ensuite l’entreprise à évaluer objectivement ses performances en matière de durabilité et à trouver des solutions pour progresser dans les domaines où ses résultats sont insuffisants.
La fabrication additive est un autre outil important que les entreprises et les industries du monde entier peuvent utiliser pour devenir durables. Par exemple, elle peut les aider à réduire les déchets créés par les procédés de fabrication traditionnels. Le moulage et l’usinage sont deux procédés courants qui en produisent naturellement. Passer à des processus additifs peut réduire considérablement le coût des matériaux pour les pièces actuellement coulées ou usinées, en éliminant le besoin de moules ainsi que les déchets produits par l’usinage soustractif. La fabrication additive est également très intéressante car elle impose moins de contraintes de conception que les autres procédés. Par conséquent, les concepteurs peuvent créer des composants plus efficients à plusieurs égards, notamment en ce qui concerne l’utilisation des matériaux, les performances thermiques et le rapport résistance/poids, ce qui aide les entreprises à fabriquer des produits en utilisant moins d’énergie et de ressources.
Un environnement de travail en pleine évolution
Enfin, tandis qu’elles s’efforceront de résoudre leurs problèmes de chaîne d’approvisionnement et de mettre en œuvre des programmes de durabilité, beaucoup d’entreprises devront aussi gérer l’évolution de leur personnel. Globalement, en 2023, les tendances récentes du marché du travail se poursuivront. Premièrement, dans de nombreuses entreprises, les employés les plus expérimentés partent à la retraite ou prennent de nouvelles fonctions en interne ou dans une autre entreprise. En partant, ils emportent avec eux des connaissances et une expérience précieuses, qui sont perdues si elles ne sont pas préalablement capturées. Deuxièmement, dans de nombreux secteurs, en raison de la nature évolutive des produits, on observe un changement dans les qualifications ou les compétences de base dont les entreprises ont besoin, en particulier dans les domaines des logiciels et de l’électronique de pointe. Cette évolution crée un décalage entre les compétences du personnel actuel et les compétences requises pour créer la prochaine génération de produits. Ce décalage est accentué par la forte concurrence qui règne sur le marché du travail pour les compétences recherchées, et il sera donc difficile pour de nombreuses entreprises de créer de nouveaux services internes ou de renforcer leurs capacités dans ces domaines critiques.
La troisième grande tendance concernant le personnel est celle que nous avons brièvement évoquée plus haut. Les attentes et les besoins des employés potentiels évoluent. En 2023, les entreprises qui réussiront le mieux à recruter seront celles qui, en plus d’offrir un bon salaire et des avantages sociaux attractifs, proposeront à la nouvelle génération d’employés des espaces de travail technologiquement avancés (ou à tout le moins modernes) offrant une expérience utilisateur aussi fluide que les technologies dont ils se servent dans leur vie personnelle. Ces entreprises devront également présenter de solides références en matière de durabilité et de responsabilité sociale, deux atouts qui en feront des employeurs très convoités.
Les solutions numériques contribuent au développement du personnel
Pour gérer ce marché du travail dynamique, il conviendra d’adopter une approche nuancée. Si une entreprise se contente d’investir dans la numérisation des processus sans aucune intention ou stratégie, elle court le risque que ses employés se sentent dépassés quand ils tenteront d’acquérir de nouvelles compétences ou de s’adapter aux nouvelles méthodes de travail. Il sera donc important pour les entreprises de trouver un équilibre leur permettant de se moderniser pour attirer de nouveaux talents sans s’aliéner leur personnel existant. L’adoption d’une technologie intuitive et facile à apprendre aidera les employés actuels et les nouvelles recrues à se mettre à niveau plus rapidement.
L’IA/ML peut également jouer un rôle dans ce domaine. Aujourd’hui, les logiciels d’ingénierie utilisent l’IA pour apprendre les habitudes des concepteurs en matière d’utilisation des commandes. À mesure que le système d’IA apprend, il devient capable de suggérer les commandes suivantes en fonction des opérations que l’utilisateur a déjà effectuées et de ce qu’il souhaitera probablement faire ensuite. Certaines entreprises exploitent déjà cette technologie pour capturer les habitudes de travail de leurs employés afin d’aider à former les nouvelles recrues. Cette stratégie peut aider ces dernières à apprendre et à devenir productives beaucoup plus vite. Pour d’autres postes, un environnement de formation immersif peut s’avérer plus efficace. Les techniciens et les employés de fabrication peuvent bénéficier de sessions de formation virtuelles organisées dans le métavers, qui offre un environnement d’apprentissage où les erreurs sont beaucoup moins coûteuses (figure 5). La réalité augmentée et la réalité virtuelle permettent aux stagiaires d’acquérir une expérience pratique par l’intermédiaire de scénarios virtuels se déroulant dans le métavers. Ces scénarios sont sûrs et faciles à répéter, ce qui garantit des sessions de formation efficientes. Le métavers industriel va changer la manière dont les entreprises travaillent, en créant un espace virtuel où il sera possible de travailler sur des projets du monde réel de façon plus collaborative, interactive et immersive.
Enfin, alors qu’il est de plus en plus important de pouvoir travailler de n’importe où, l’expérience et l’interopérabilité parfaites qu’offrent les logiciels disponibles sous forme de service (SaaS) seront une aubaine pour les entreprises qui cherchent à attirer de nouveaux talents, à développer les compétences de leurs employés, et plus globalement à améliorer leur productivité. Les méthodes de déploiement SaaS garantissent que les logiciels utilisés quotidiennement par l’entreprise restent constamment à jour et interopérables avec les outils de ses clients, de ses fournisseurs et de ses partenaires. Cet avantage facilitera grandement le travail des employés et favorisera l’amélioration de la productivité dans toute l’entreprise.
En 2023, la numérisation permettra de surmonter l’incertitude
L’incertitude qui a régné en 2022 persistera en partie en 2023. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement, la poursuite des efforts pour rendre l’innovation durable et l’évolution du personnel contribueront à faire de 2023 une nouvelle année de défis et d’incertitude. Pourtant, il y a tout lieu d’être optimiste en raison des possibilités de plus en plus riches dont bénéficient les entreprises qui adoptent la numérisation et intègrent des technologies avancées dans leurs processus. Ces technologies numériques aideront les entreprises à favoriser la collaboration, à recueillir et exploiter des données précieuses, et à explorer des solutions innovantes tout en économisant du temps et de l’argent. Dans tous les secteurs, grâce aux avantages qu’offrent ces puissants outils, les entreprises seront prêtes à saisir les opportunités de demain.
Auteur : Dale Tutt, vice-président responsable de la stratégie industrielle chez Siemens Digital Industries Software