Une vingtaine de cabinets
d’architectes, dont Zaha
Hadid, Glenn Howells
Architects, ou Simpson
Haugh, ont envoyé une lettre
ouverte à Autodesk pour se
plaindre du coût croissant
de Revit et de son manque
de développement. Depuis,
d’autres professionnels de
la construction ont rejoint le
petit groupe de plaignants…
evit fête ses 20 ans cette année.
Le logiciel d’Autodesk destiné à la modélisation dans le secteur de la construction est devenu l’un des (si ce n’est Le) logiciels de CAO incontournables dans ce domaine.
Encouragés, voire poussés par les appels d’offres des projets gouvernementaux, les grands studios d’architecture notamment de pays anglo-saxons ont adopté la démarche BIM et en l’occurrence le logiciel Revit. Il semble néanmoins que plusieurs d’entre eux soient lassés de la politique de l’éditeur américain. Une lettre ouverte a été envoyée à Andrew Anagnost, PDG de l’éditeur…
QUE REPROCHENT-ILS À AUTODESK REVIT ?
- Le manque de développement par exemple pour optimiser les calculs par GPU, CPU multicœurs ou l’utilisation de PC virtuels.
- Les difficultés à gérer les grands projets.
- L’absence de « pipeline de données » pour agréger les différentes sources d’informations nourrissant un projet.
- L’absence de feuille de route des développements à venir permettant aux utilisateurs d’anticiper les nouveautés voire de les influencer.
- La succession de cinq modèles différents de licences entre 2015 et 2020, depuis la licence de produit individuel, jusqu’aux Suites en passant par les Collections et désormais la licence d’utilisateur individuel. Ce qui a augmenté les coûts d’usage de l’ordre de 70 % !
- Le manque de confiance dans le service cloud d’Autodesk concernant la propriété intellectuelle de leurs projets.
D’après leur calcul, ces 17 cabinets d’architectes internationaux représentent sur cinq ans un chiffre d’affaires de 22 millions de dollars pour Autodesk, et des milliers de postes utilisateurs.
Or, ils constatent payer toujours plus et finalement utiliser moins le logiciel à cause de ses goulets d’étranglement.
Difficultés qu’ils doivent parfois contourner par des stratégies complexes grevant du coup leur productivité. En conséquence, ils demandent donc à Autodesk « un plan d’action transparent, centré sur le client, non-conflictuel, innovant, progressif et réalisable ».
LA RÉPONSE D’AUTODESK
Dans sa réponse, l’éditeur américain indique son désaccord sur certaines récriminations de ses clients, mais promet d’écouter les commentaires et d’y répondre le plus rapidement possible. Dans un communiqué, Amy Bunszel VP d’Autodesk a reconnu que son entreprise avait « sous-investi dans la fonctionnalité de modélisation architecturale ces dernières années » et que la société « travaille à corriger cela ».
Elle ajoute : « nous avons augmenté notre développement de produits pour mieux servir les clients de l’ingénierie et de la construction. Cela a nécessité plusieurs projets de plate-forme pour améliorer l’évolutivité et les performances afin de prendre en charge les détails de fabrication pour l’ingénierie qui ont également profité à toutes les disciplines.
Le résultat de cela a été un ralentissement du développement des principales capacités de modélisation architecturale.
Nous reconnaissons l’impact que cela a eu sur nos clients de conception architecturale et, à la fin de l’année dernière, nous avons augmenté nos investissements et nos ressources pour les capacités architecturales de Revit.
A l’avenir, nous pensons que les méthodes de travail vont évoluer, de la modélisation directe d’aujourd’hui à la conception basée sur les résultats et pilotée par l’analyse (dont la conception générative dans Revit est une petite étape), en passant par la convergence de la fabrication et de la construction, et que les données doivent être déverrouillées des formats natifs et circuler plus facilement dans les produits Autodesk et non-Autodesk. Propulsé par le cloud, avec des expériences couvrant le bureau, la mobilité et la réalité étendue, cet avenir semble bien différent d’une application de bureau avec des centaines de boutons dans le ruban. Au cours des prochaines versions majeures et ponctuelles, vous commencerez à voir des preuves de cette orientation, auxquelles vous pourrez réagir et donner votre avis », conclut le membre du board d’Autodesk.
L’AEC DOIT SUIVRE LES TRACES DE L’INGÉNIERIE MÉCANIQUE
Des clients insatisfaits, toutes les entreprises en rencontrent évidemment. C’est consubstantiel au commerce et c’est ce qui fait progresser. Mais le monde de la construction est en pleine révolution numérique. Et peu d’entreprises ont véritablement basculer vers le BIM, par manque de moyens, d’informations, ou tout simplement de temps. Si Autodesk a en effet largement développé ses solutions dans le domaine de l’ingénierie mécanique, avec par exemple l’introduction de Fusion 360, Revit a quelque peu stagné malgré les promesses faites en 2016 de renouveler la solution à l’occasion d’un projet nommé Quantum. Rien de neuf depuis. Dans ce laps de temps, les concurrents n’ont pas attendu pour revoir leur copie. Comme l’explique Ralph Grabowski, enseignant à l’University of British Columbia et fin connaisseur du sujet : « Vectorworks a remplacé en douceur tout le noyau de son logiciel d’AEC vieux de 35 ans par Parasolid, lui donnant de nouvelles capacités.
Bricsys a écrit un module BIM en repartant d’une feuille blanche pour son logiciel BricsCAD. Et Graphisoft, dont le logiciel ArchiCAD BIM a 38 ans, a achevé cette année, en trois ans, le projet Everest. Dans cette nouvelle version, les applications (y compris les outils non Graphisoft) n’obtiennent du modèle BIM que les données dont elles ont besoin pour effectuer leur analyse, puis les renvoient rapidement à ArchiCAD. Associé au serveur BIMcloud de Graphisoft, le concept Everest est similaire à ce qu’Autodesk espérait offrir avec Quantum. » Cette lettre ouverte constituera-t-elle l’aiguillon nécessaire pour qu’Autodesk propose une nouvelle formule gagnante de Revit ? L’avenir nous le dira…