Impression 3D, modélisation géométrique efficace et surtout une bonne dose de travail et de persévérance ont permis à un jeune autodidacte américain de concevoir une prothèse articulée de bras qui pourrait révolutionner la vie de millions d’enfants privés d’un bras.
Easton LaChapelle n’avait que 14 ans lorsqu’il décida de construire une main artificielle complètement fonctionnelle. Cet adolescent vivant dans un petit village du Colorado s’ennuyait sérieusement en classe et appris sur le net tout ce qui lui permettrait d’accomplir son projet. Il rassembla un assortiment d’articles ménagers à la MacGyver : fil de pêche, briques Lego, isolant électrique, moteurs d’essuie-glace… et finit par construire un prototype de main robotique rudimentaire.
Les premiers pas en 3D
A 16 ans, il se procura une imprimante 3D bon marché et se mit à imprimer frénétiquement toute sorte d’éléments pour améliorer le mouvement individuel des doigts et du pouce opposable de sa main robotique, puis il passa à l’avant-bras… puis au coude… puis à l’épaule, jusqu’à obtenir un bras complet. Une performance qui lui permit de décrocher par la suite un stage à la Nasa !
A l’occasion d’une foire scientifique à laquelle il présentait son bras articulé, il rencontra une petite fille qui portait une prothèse semblable. « J’ai découvert que sa prothèse avait coûté 80 000 dollars, qu’elle ne possédait qu’une simple pince et qu’elle serait bientôt dépassée parce qu’il avait fallu un an pour la créer. J’ai pensé : ce n’est pas possible ; j’ai construit mon bras pour 300 dollars dans ma chambre. Pour moi, c’était inacceptable. Cette rencontre a été une véritable révélation » explique Easton LaChapelle.
Démarrage du projet industriel
En 2014, une autre rencontre décisive lui permet de trouver le capital nécessaire pour démarrer son entreprise : Unlimited Tomorow. Malgré ses 18 ans, le jeune entrepreneur comprend qu’il lui faut innover sérieusement pour révolutionner ce marché de la prothèse des bras. D’abord son prototype de 3,6 kg est trop lourd. Or, une prothèse de bras pour enfant pèse généralement entre 1,1 et 1,8 kg, ce qui est encore trop lourd. Ce qui fait que la moitié d’entre eux ne la porte pas.
Ensuite, il y avait la question du timing. Les enfants grandissent vite, et leurs prothèses de bras deviennent vite trop petites. Certains auront besoin de quatre ou cinq prothèses avant de devenir adultes, chacune coûtant environ 80 000 dollars. Et comme le processus de commande et d’adaptation d’une prothèse peut durer six mois, lorsqu’un enfant reçoit son nouveau bras, la prothèse est parfois déjà trop petite pour lui.
Les défis étaient donc multiples. Outre le poids et le temps de développement des prothèses, il fallait réduire drastiquement leur prix. Enfin, il fallait que la prothèse soit acceptée par l’enfant. Donc qu’elle soit à la fois parfaitement fonctionnelle, mais aussi esthétique et correspondant le plus possible au bras restant de l’enfant.
Bouleverser l’industrie des prothèses pédiatriques
En 2019, Unlimited Tomorrow lance TrueLimb, le premier membre prothétique polyarticulé léger, abordable et d’apparence réaliste du marché. Il pèse 500 grammes, soit 1,4 kg de moins qu’un bras prothétique pédiatrique classique. Il est totalement personnalisable et vendu 8 000 dollars, soit 10 fois moins cher que les solutions conventionnelles. Et le plus étonnant, c’est que les enfants peuvent obtenir une prothèse TrueLimb en quelques semaines, sans jamais quitter le confort de leur maison.
Comment Lachapelle et son équipe ont réussi ce tour de force ? En faisant converger trois technologies : la numérisation 3D à distance, la détection électronique et la fabrication additive. L’entreprise envoie un scanner 3D à la personne candidate. Un ami ou un membre de la famille procède à la numérisation 3D du bras résiduel, prend des photos de l’autre bras et renvoie le tout à l’entreprise. Unlimited Tomorrow imprime alors en 3D la prothèse TrueLimb, selon la couleur choisie parmi un choix de 450 teintes et l’expédie à l’utilisateur – cinq fois plus vite qu’avec un processus traditionnel.
L’intérêt de la fabrication additive
Si un grand nombre de technologies sont essentielles au succès de TrueLimb – et particulièrement une méthode exclusive de détection des impulsions musculaires qui permet aux utilisateurs de saisir simultanément avec plusieurs doigts et de contrôler chaque doigt individuellement –, la fabrication additive s’est avérée tout aussi indispensable. Après de nombreux essais de machines, c’est un modèle HP Jet Fusion qui donne satisfaction à l’équipe de LaChappelle, tant sur le plan de la précision des couleurs que sur celui de la résistance du matériau.
Restait le problème délicat de l’emboîture. C’est la pièce la plus importante d’une prothèse de bras. Non seulement elle contient les capteurs qui permettent d’activer les mouvements de la main, mais elle est également essentielle pour le confort de la prothèse. Les ingénieurs d’Unlimited Tomorrow avaient du mal à concevoir des emboîtures parfaitement adaptées aux utilisateurs. Matt Landolfa, ingénieur en chef chargé de la conception mécanique, explique : « avec notre ancien flux de travail, nous utilisions plusieurs logiciels, le processus était lent et il était difficile d’en modifier les résultats. Souvent nous devions recommencer le processus, sans pour autant être certains de réussir. »
Au départ était la CAO…
Pour développer son activité, l’entreprise devait absolument optimiser cette phase de conception pour aboutir plus vite au design idéal. Et c’est encore une rencontre lors d’un congrès qui lui fait découvrir le logiciel NX de Siemens Digital Industries Software. Très sceptique au départ, l’autodidacte est convaincu par la solution développée par l’éditeur et tirant parti de NX Product Template Studio. Celle-ci combine l’optimisation automatisée et la conception paramétrique basée sur des règles pour permettre de mieux contrôler la géométrie de l’emboîture. Selon Matt Landolfa, l’une des clés du succès du nouveau flux de travail réside dans l’associativité de la géométrie. « Comme la solution réside dans un seul système, si nous avons une modification à apporter, nous n’avons plus besoin de recommencer le processus. »
La simplicité du système est particulièrement importante pour Unlimited Tomorrow qui prévoit de former directement les cliniciens à l’utilisation de NX, alors qu’actuellement leur rôle est de superviser le travail des ingénieurs qui utilisent le logiciel. Mais le plus grand avantage du processus de développement des emboîtures piloté par NX est le niveau de qualité et de cohérence obtenu. « Cela a vraiment provoqué un effet d’entraînement dans toute l’entreprise, déclare LaChappelle. Nous découvrons de nouvelles façons dont le logiciel peut automatiser et améliorer davantage notre fonctionnement. » Autre point fort de la solution Siemens, son lien avec les imprimantes HP. Matt Landolfa : « NX permet d’obtenir des objets beaucoup plus lisses avec la HP 580. Avec notre ancien logiciel, on pouvait voir les facettes sur l’objet imprimé en 3D. Ce n’est plus le cas. Sa géométrie précise donne une finition beaucoup plus réaliste. » Cette amélioration ne concerne pas seulement l’emboîture mais aussi tous les autres composants du bras prothétique TrueLimb.
Unlimited Tomorrow est en train de transférer la conception de tous les composants dans l’environnement NX. Et ils explorent également les capacités d’imbrication automatisée du logiciel. « Nous sommes sur le point de passer à une échelle supérieure de façon spectaculaire, déclare LaChappelle. Mais pour cela, nous devons optimiser le débit de nos imprimantes 3D, et c’est là que l’imbrication automatique entre en jeu. »
L’avenir d’Unlimited Tomorrow ?
Que réserve l’avenir pour cette entreprise américaine ? Easton LaChappelle, qui a fêté ses 25 ans fin 2020, a des objectifs ambitieux. « Si vous m’aviez dit il y a sept ans, quand je construisais ce premier bras robotisé tout seul dans ma chambre, que je serais là où je suis aujourd’hui, je ne l’aurais jamais cru, dit-il. Aujourd’hui, fort de toute cette expérience, je suis beaucoup plus conscient de ce que nous pouvons accomplir. Nous nous posons toujours cette question fondamentale : comment pouvons-nous créer une entreprise qui aura un impact sur la vie de 40 millions d’amputés dans le monde ? C’est ça le vrai défi. Et pour le relever il va nous falloir augmenter fortement notre production. Nous dépendrons de technologies telles que l’impression 3D et les logiciels de fabrication additive, qui vont devoir suivre le rythme tout au long du chemin. »