Usine du futur, industrie du futur, 4.0, usine intelligente et connectée : un focus pour mieux comprendre l’importance de ce courant de fond, de la part de Jimmy Jollois – Directeur associé Mews Partners (anciennement Vinci Consulting).
I – Usine du futur : effet de mode ou révolution ?
Répondre à cette question tient déjà à la définition de l’usine du futur. L’idée est que le monde industriel entre dans sa 4e révolution industrielle. Après la machine à vapeur, l’électricité et les NTIC, l’industrie est à l’aube d’une nouvelle révolution : celle de l’industrie intelligente qui va mettre les technologies numériques au centre du process industriel.
L’usine du futur prend ses origines à travers la prise en compte de nouveaux enjeux « métiers » que l’on appelle « Business Pull ». Il s’agit de :
– reconfigurer un atelier en fonction du produit fabriqué le plus rapidement possible avec un minimum d’erreur,
– pouvoir personnaliser des produits selon le besoin client, même sur de la moyenne ou grande série,
– fabriquer les pièces sur demande,
– minimiser l’impact de nouvelles modifications en production (de la définition produit à la réalisation),
– avoir un système global capable de se piloter et de s’ajuster en cas de dérive ou problème.
Et l’émergence de nouvelles technologies appelée « Technology Push » avec :
– la simulation complète de l’outil industriel : le produit, les machines, les opérateurs, les manutentions, les flux logistiques,
– la remontée des informations en temps réel (internet des objets, big data), – les nouveaux modes de fabrication (impression 3D),
– l’aide à l’opérateur dans l’exécution, le contrôle (réalité augmentée, contrôle visuel, cobot),
– l’interconnexion machines-outilsproduit- Système d’Information (systèmes cyber-physiques, capteurs).
Si les industriels sont depuis longtemps focalisés sur la performance et l’optimisation, nous sommes en face d’un vrai changement qui va bien au-delà de la logique d’amélioration. Les nouvelles technologies progressent très rapidement : leur nombre est de plus en plus important, leur croissance est exponentielle et le champ des possibles ne fait que s’agrandir. Par ailleurs, les usages et les exigences des clients changent de nature. Nous sommes dans un monde où le besoin d’instantanéité, de personnalisation, impacte la nature des produits et des services développés par les industriels et donc, indirectement, l’outil industriel qui permet de fournir ces produits et services aux clients.
II – Les apports de l’usine du futur et leur impact sur les métiers de l’industrie
Les nouvelles technologies de l’usine du futur changent l’industrie et notre façon de concevoir nos produits et nos process. Focus sur quelques technologies innovantes :
– Les nouveaux procédés de fabrication
L’émergence de nouveaux procédés de fabrication ou de nouveaux outils ouvre de nombreuses perspectives. Par exemple, l’impression 3D (ou fabrication additive) apporte de vrais avantages (moins d’étapes de fabrication, une seule machine pour fabriquer différentes pièces, fabrication à la demande, optimisation topologique des pièces) mais nécessite d’avoir les bonnes compétences et outils pour pouvoir concevoir les pièces fabriquées à l’aide de cette technologie.
– Les outils collaboratifs
Les cobots (robots collaboratifs bardés de capteurs et capables de travailler de manière sécurisée en présence d’humains) permettent de repenser complètement les opérations d’assemblage ou de manutention notamment à travers leur capacité à interagir avec l’opérateur et à automatiser des tâches complexes.
– Le support aux opérations
Un autre point clé réside dans la capacité à supporter de mieux en mieux l’opérateur dans la réalisation de ses tâches. La réalité augmentée permet en effet d’assurer une aide visuelle et vocale à un opérateur dans sa séquence (indication des éléments à prélever/assembler, recherche d’information, support visuel à une opération complexe).
– La conception produit-process
Les hypothèses de conception du produit ont un impact très fort sur la performance industrielle, et réciproquement les contraintes industrielles doivent être prises en compte dès la conception. La capacité à partager un modèle numérique du produit, de pouvoir l’intégrer dans un environnement de production virtuel et de pouvoir maîtriser la cohérence de l’ensemble sur les différentes étapes du cycle de vie est clé.
– La simulation
Un autre apport considérable des technologies numériques est la possibilité de simuler ces opérations de manière très réaliste. Les plateformes de simulation permettent d’étudier les interactions entre plusieurs postes de travail automatisés, calculent l’ensemble des trajectoires optimales pour une performance souhaitée, jouent plusieurs hypothèses de capacité, optimisent le nombre de machines et d’outils à chaque poste… Cela permet de concevoir un outil de production qui est optimal et qui fonctionne correctement dès le départ, sans avoir besoin de période de rodage. La simulation procure également de nombreuses informations sur les estimations de consommation électrique des équipements, les éventuels rejets d’émission à traiter, les intervalles de maintenance…
III – Les conditions de succès pour y arriver
– La Continuité numérique : un prérequis primordial
Nous l’avons vu, l’usine du futur est basée sur la numérisation des flux d’information et l’interopérabilité du produit, des machines et du SI. La continuité numérique doit être assurée tout au long du cycle de vie du produit, depuis les premiers concepts jusqu’à la série (voire la fin de vie dans de plus en plus de cas). Chaque rupture de continuité induit un risque de perte de productivité (impact coût et délai) et de traçabilité (conformité du produit fabriqué par rapport au dossier de définition). C’est pourquoi la maîtrise de cette continuité est clé pour réussir l’usine du futur.
– Une transformation technologique et surtout humaine
L’homme est central dans cette Usine du Futur, libéré des contraintes de tâches pénibles ou répétitives désormais assurées par un ensemble de briques technologiques, il peut développer toute son expertise, son savoir-faire et sa prise de décision au service de l’amélioration du produit et/ou du service. Il est donc nécessaire d’accompagner ce changement culturel et humain pour atteindre les résultats escomptés.
– Y aller progressivement, en se focalisant sur les problèmes à résoudre
Le nombre de nouvelles technologies est important et la tentation est forte de vouloir toutes les traiter ensemble. Nous avons tiré deux enseignements de nos expériences vécues et des témoignages clients. Il est d’abord toujours plus facile d’avancer lorsque le sujet n’est pas juste poussé par une nouveauté technologique mais aussi tiré par un réel besoin du métier. Il faut également du temps pour maitriser les nouvelles technologies. Il faut donc y aller pas à pas, en testant ces technologies sur des périmètres restreints afin de bien maîtriser les capabilités, de mesurer les gains et d’identifier les impacts pour les hommes, pour les méthodes, pour le processus global.
Pour conclure, l’usine de futur est une nouvelle transformation d’ampleur pour l’entreprise qui impacte ses hommes, ses outils et ses processus. C’est aussi une transformation nécessaire pour rendre son outil industriel compétitif et prêt à relever les challenges industriels de demain.
cad191_pp28-29_reperes-mews