Manufacturing Digital Innovation, c’est le nom du premier évènement que notre groupe de presse a organisé fin novembre
pour aborder les thématiques fortes de la digitalisation de l’industrie. Première d’entre elles, la fabrication additive. La crise du Covid a montré qu’il ne s’agit pas d’une technologie
de fabrication comme les autres. Elle permet d’aller vite, de répondre à de multiples usages, voire de changer le business model des entreprises.
Quelques chiffres pour poser le débat de cette table ronde. La croissance de la fabrication additive atteint 50 % ces deux dernières années dans l’industrie. Les applications ? 68 % de prototypes, 13 % de pièces de série, le reste pour de l’outillage. Enfin, 87 % des pièces imprimées le sont en plastiques et polymères. Deux experts pour aborder l’impact de cette technologie sur leurs activités respectives : Victor Zarife – Expert Senior technologies de process et responsable programme R&I au sein de l’entreprise Hutchinson, et Julien Guillen – Responsable de la fabrication additive au sein du Btwin village de Decathlon.
La fabricant et distributeur d’articles de sport utilise l’impression 3D à grande échelle dans son unité Add Lab à Lille : 60 000 pièces imprimées finies en 3D depuis la création du centre il y a quatre ans, et 1 200 projets chaque mois de prototypes de nouveaux produits. « La fabrication additive est employée pour tester de nouveaux concepts, pour intégrer les clients dans la boucle de conception afin de capter leurs idées, mais aussi leur permettre de personnaliser les produits. Par ailleurs, nous proposons une vingtaine de pièces imprimées en 3D pour réparer des produits de plus de 10 ans. Plusieurs centaines de table de ping-pong ont ainsi été réparées de cette façon » détaille Julien Guillen.
Pour le spécialiste des caoutchoucs, la fabrication additive est utilisée depuis plus de 20 ans. Victor Zarife : « aujourd’hui, nous réalisons des outillages métalliques, plastiques et quelques pièces séries pour des avions. La simplicité des imprimantes desktop a permis de diffuser la technologie et de rendre autonomes les collègues. Le développement majeur repose sur les prototypes polymères avec des ROI assurés en quelques semaines. Dès que nous devons fabriquer une pièce, on passe si c’est possible par une phase d’impression 3D. La capacité de tester vite un concept est irremplaçable. Dans l’automobile, on cherche à valider la montabilité, à faire des essais préliminaires sur des fonctions, et à valider l’aspect bien sûr. Plus on pratique plus on apprend et plus on se rend compte de l’intérêt de cette technologie »
Du côté de Decathlon, les prototypes imprimés en 3D couvrent trois grands domaines : la forme globale, l’esthétique fine, le fonctionnel, avec à chaque fois des process et des matériaux spécifiques à chaque besoin. L’objectif est de prototyper bien et mieux à des phases précises du développement. « Cela exige de maîtriser les matériaux et les process pour éviter toutes déviations des caractéristiques du matériau. Mais aussi de faire le bon design de la pièce en fonction de ces variables. Il faut acquérir de l’expérience sur les logiciels de modélisation, de simulation, sur les capacités des machines… pour arriver à la cible et prendre les bonnes décisions ». Le Add Lab de Lille a formalisé ces connaissances sous la forme d’une matériauthèque organisée comme un arbre décisionnel pour communiquer avec les designers. Des exemples de pièces imprimées en 3D et des questions auxquelles elles répondent permettent de choisir matériaux, machines et paramètres de fabrication pour aboutir au bon résultat.
L’impression 3D devient-elle standard ? Pas encore chez Hutchinson, les normes sont en cours de validation. Mais cela devient une culture en cours de déploiement. Les matériaux sont un point clé ! « Par ailleurs, le procédé impacte les caractéristiques thermiques et l’anisotropie de la pièce finale. Il faut essayer de maîtriser le premier au cours du process et/ou lors du post-traitement. Et l’anisotropie lors de la conception de la pièce » rajoute Victor Zarife.
Nos deux témoins encouragent néanmoins les industriels à s’équiper d’une petite machine 3D à quelques milliers d’euros pour monter en compétence. Cela leur permettra de découvrir, par exemple, l’importance du post-traitement, qui parfois peut aller jusqu’à 50 % du coût total. Sans oublier rajoute Julien Guillen « de prévoir l’installation autour de la machine pour produire dans des de bonnes conditions, mais aussi le contrôle qualité des pièces imprimées en 3D… »