Transvalor, éditeur spécialisé dans les outils de simulation des matériaux métalliques, crée avec CentralSupelec une chaire industrielle dédiée à l’Intelligence Artificielle. L’objectif ? Déterminer plus vite les lois de comportement des matériaux et réduire les temps de calcul.
« Nous pensons que les outils d’Intelligence Artificielle vont jouer un rôle important dans le domaine de la simulation, notamment pour la détermination des lois de comportement des matériaux. C’est pourquoi nous avons décidé de lancer une chaire industrielle dédiée à l’IA avec CentraleSupelec », explique Stéphane Heitz, Directeur Général de Transvalor, éditeur spécialisé dans les outils de simulation de la mise en forme et du vieillissement des matériaux métalliques. « En utilisant des algorithmes de Machine Learning et de Deep Learning dans nos solutions, nous allons d’une part permettre à nos clients de calculer plus vite et d’autre part de déterminer plus précisément les lois de comportement des matériaux qu’ils veulent simuler. »
De fait, aujourd’hui déterminer la loi de comportement d’un nouveau matériau métallique passe par des centaines voire des milliers d’essais physiques (rupture, cisaillement, flexion, flambement, torsion, relâchement …) dont les résultats sont analysés et mis en équation par un thésard ou un ingénieur matériaux pendant des mois voire des années. Une méthode qui est fastidieuse, longue et coûteuse.
« L’utilisation du Machine Learning, va permettre d’automatiser cette phase d’analyse et de mise en équations. Ce qui demandait des années de travail va se résumer à quelques semaines, le temps de faire les essais physiques. De plus, les ‘‘chances de succès’’ seront plus importantes car, parfois, vous n’arrivez pas à caractériser un matériau parce que vous vous y prenez mal pour déterminer la loi de comportement. La machine est bête, mais la machine apprend de ses erreurs et donc plus elle apprend, plus il y a de chances qu’elle arrive à faire la bonne caractérisation. »
Développer des algorithmes de Machine Learning
Tout l’enjeu de la chaire industrielle est donc de développer des algorithmes de Machine Learning capables de déterminer rapidement des lois de comportement des matériaux à partir de données d’essais empiriques. « Si de notre côté nous maitrisons le développement des outils de simulation, nous avons besoin d’une aide efficace sur les technologies d’IA. D’où cette association avec le Hub IA de CentraleSupelec, qui comporte plus de 1 700 chercheurs et doctorants, motivés par la volonté d’explorer ensemble toutes les possibilités de l’IA appliquée à la simulation numérique. » De son côté, CentraleSupelec va profiter de cette chaire pour compléter ses connaissances académiques en science des matériaux et en calcul numérique par éléments finis.
De fait, la chaire démarre du côté de CentraleSupelec avec 5 chercheurs, 4 stages de Master et le lancement de 2 thèses. Du côté de Transvalor, une dizaine de personnes seront aussi impliquées opérationnellement. « Mais ce sont tous les collaborateurs de Transvalor qui vont être impliqués, puisque nous mettons en place en parallèle un cycle de formation à l’IA avec CS Exed, la cellule de formation continue de CentraleSupélec, pour sensibiliser tous nos collaborateurs aux techniques et aux fondamentaux du Machine Learning. Il s’agit non seulement de sensibiliser les commerciaux et le service client, mais surtout de réellement former notre trentaine de développeurs, qui vont, pour la plupart, travailler dans la chaire en partenariat avec les chercheurs de CentraleSupélec, pour co-développer les algorithmes de Machine Learning spécifiquement employables dans nos solutions. Et indépendamment, ils pourront aussi introduire des technologies d’IA dans l’ensemble de nos logiciels.»
Des industriels intéressés
Cette chaire bénéficie d’un budget global ambitieux, financé à parts égales par les deux partenaires. Un budget qui pourrait être revu à la hausse avec l’entrée d’autres partenaires industriels. « Deux de nos clients historiques français, l’un équipementier aéronautique et l’autre constructeur automobile, ont montré leur intérêt pour participer à cette chaire. » Le résultat de ces travaux conjoints va permettre d’enrichir rapidement une base de données sur les lois de comportement des matériaux, dans laquelle les solveurs des outils de Transvalor viendront piocher pour effectuer les simulations demandées par les industriels.
Des besoins qui vont augmenter fortement, car les industriels ont besoin d’être accompagner dans la mutation technologique profonde qu’ils sont obligés de faire pour répondre aux enjeux d’avenir (optimisation des process industriels, sobriété énergétique, réduction des déchets…). « Ils sont donc souvent conduits à utiliser de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés industriels. Par exemple, si la plupart des caisses de voitures sont réalisées par soudage d’environ 70 pièces en acier, Tesla a conçu la caisse de son modèle Y autour de 2 pièces d’aluminium coulées sous pression. Ce qui impose de nouvelles simulations avec des aluminiums hyper spécifiques, dont il faut déterminer précisément les lois de comportement.»
Faire plus avec autant
Une approche Machine Learning qui va aussi permettre d’accélérer les calculs. « Si aujourd’hui, je dois simuler 100 coups de marteau. Avec le Machine Learning, j’aurais peut-être besoin d’en simuler un sur dix, parce qu’il aura appris comment doivent se comporter les essais de 2 à 9 et donc il va tout de suite aller à la simulation numéro 10… »
Ce gain de temps est au cœur des préoccupations des industriels qui doivent innover toujours plus vite, tout en explorant beaucoup plus de scénarios qu’il faut évaluer rapidement. « Cela peut se traduire de deux manières différentes : on limite le nombre de cœurs consacrés au calcul, ce qui revient à baisser les coûts ; on profite de la baisse des temps de calcul unitaires pour en effectuer plus avec la même puissance informatique et là on baisse le coût de calcul de chaque scénario. Donc on calcule plus et plus vite avec autant voire moins de moyens. »
Des gains qui devraient aussi aider à démocratiser encore un peu plus la simulation, notamment auprès des PME et des industries dans les pays en voie de développement.
Les premiers résultats des travaux de la chaire devraient arriver vite. « L’avantage avec la recherche sur l’IA, c’est qu’on peut avoir des algorithmes très rapidement, dès la fin des stages. Après, l’enjeu, ça va être de les intégrer dans nos logiciels. Donc je pense qu’on sortira des solutions pour nos clients utilisant ces technologies d’ici fin 2023. »