La troisième édition de notre évènement Manufacturing Digital Innovation était consacrée au cloud et ses dérivés dans le domaine industriel. Voici le verbatim de la première table ronde consacrée à la définition même du cloud et à ses enjeux pour le monde manufacturier.
Cinq invités étaient présents à cette table ronde intitulée : « Le cloud pour l’industrie, de quoi parle-t-on ? »
– Stéphane Guignard, Vice-Président Operations Europe, ARAS
– Olivier Helterlin, VP Sales & PDG, PTC France
– Xavier Hermite, Expert référent Smart Data, CETIM
– Antoine Labuche, Directeur Commercial Industrie 4.0, 9 ALTITUDES
– Vincent Thavonekham, CEO, FACTOVIA
La majorité des solutions digitales industrielles sont aujourd’hui On-Premise, c’est-à-dire installées sur les postes de travail ou les serveurs de l’entreprise. « La première étape suivit par une partie de nos clients a été l’externalisation de ces infrastructures (IaaS), puis de leur administration (PaaS), pour aboutir aujourd’hui au Software as a Service qui package l’ensemble », explique Olivier Helterlin « Avec ce mode d’usage du cloud, l’utilisateur accède aux services en ligne comme la CAO, le PLM, l’ERP… d’où il veut, quand il le souhaite. Enfin, le Edge Computing est une solution mixte : une partie proche de l’utilisateur et l’autre dans le cloud. C’est ce qui se fait avec les objets connectés notamment, les data sont dans le cloud, les capteurs et flux avec le monde physique sont proches des machines et des utilisateurs ».
Le cloud : une tendance lourde
Pour le représentant de PTC, le cloud et son usage à la demande sont une tendance lourde, « qui s’illustre avec la disparition de Sybel au profit de Sales Forces ! ; la même chose va se passer dans l’ingénierie. Les gains immédiats sont un TCO informatique plus faible, l’accès permanent et de n’importe où à des solutions modernes, dont l’évolution est transparente pour les utilisateurs, enfin la possibilité du design collaboratif avec des partenaires extérieurs de manière simple. »
Le SaaS pour un éditeur comme Aras ? Stéphane Guignard : « avant tout notre solution PLM peut être basculée en toute transparence du On-Premise vers le cloud, et cela avec une totale équivalence fonctionnelle. Le fonctionnement en SaaS est très simple, Aras Innovator est hébergé dans notre cloud et nos clients s’y connectent à travers un engagement de disponibilité. Le crédo reste cependant de bénéficier d’une mutualisation et d’une optimisation des ressources, tout en bénéficiant d’une capacité de personnalisation de la solution à vos besoins. »
Pour Antoine Labuche, « le cloud n’est pas une fin en soi. C’est un accélérateur de transformation digitale pour l’industrie. Cette infrastructure va servir de base à différentes technologies qui vont permettre aux industriels de progresser en performance, comme l’intelligence artificielle, l’IOT, le machine learning, le calcul numérique, etc. »
Cloud privé, public, mixte, quelles sont les différences ? Stéphane Guignard : « on pourrait faire une analogie avec la piscine privée, la piscine municipale, et la réservation d’une ligne d’eau de cette dernière pour votre propre usage… » Et cela permet de répondre à des sensibilités diverses propres aux entreprises. Un atout non négligeable rajoute Xavier Hermite : l’élasticité du cloud public répondant à une évolution certaine des quantités de données gérées par les entreprises.
L’aspect économique ? Pas si évident…
Le SaaS est-il moins cher que le même logiciel On-Premise ? « La comparaison en termes de ROI est difficile. En SaaS, votre coût d’usage est connu. Ce qui n’est pas véritablement le cas du On-Premise qui comporte des coûts compliqués à évaluer : acquisition des infrastructures, maintenance, coûts de personnel, des licences, de sécurisation, etc. » rappelle Antoine Labuche. Pour S. Guignard, il y a une transition à opérer et une analyse de coût à court et long terme différentes. « Il faut tenir compte des coûts internes de vos équipes informatiques d’exploitation et de supervision qui ne sont pas contrebalancés immédiatement lorsque vous basculez vers le SaaS. Reste le coût exponentiel lié à la sécurité qui sont difficiles à supporter tant sur le plan économique que technique par les industriels qui optent pour le On-Premise. »
Pour qui ? Les PME en premier, notamment les start-ups qui n’ont pas d’historique et bénéficient de « promotion » d’accès à des outils de CAO, de PLM, ou de simulation numérique. Les grands groupes basculent plus lentement, sous forme de projets d’envergure, mais avec des raisons encore plus stratégiques : embarquer leur entreprise étendue dans cette digitalisation. Parfois, les barrières sont indépendantes de la taille mais liées à la culture d’entreprise ou à des règlementations très sévères comme l’aéronautique/défense en France.
Pour quels logiciels en priorité ? Le calcul intensif est sans doute l’application la plus immédiatement bénéficiaire de l’usage de cloud computing. Autre cas d’usage, « le fabricant d’enceintes audios L Acoustics qui exploitent de multiples sites internationaux » explique Antoine Labuche. « L’entreprise utilise un ERP en SaaS mis en place juste avant la crise Covid. Aujourd’hui, tous les processus sont intégrés et le responsable de la société justifie ce choix du cloud SaaS avec une solution ERP constamment à jour, pérenne, évolutive et allant dans le sens de l’histoire. La crise sanitaire lui a donné raison ! »
Aujourd’hui, mais et demain ?
Les freins : frilosité vis-à-vis du stockage des données, dépendance vis-à-vis de son prestataire de service cloud ? « Les clients ont le choix de l’emplacement du stockage des données », explique S. Guignard. « Par ailleurs, les opérateurs cloud du marché seront sans aucun doute plus compétents que par les entreprises elles-mêmes. Quant à l’accès à l’information, Aras par exemple, laisse cet accès même après la fin d’un contrat, c’est donc un mauvais procès. » Même son de cloche pour PTC : « votre argent est plus en sécurité à la banque que sous votre matelas… Les prestataires ont investi des millions pour gérer cet aspect sécuritaire : moyens inaccessibles aux industriels. Enfin, quant au Cloud Act, il concerne à 90 % des particuliers et n’opère que dans des cas d’infractions à la loi. C’est très anecdotique donc, voire psychologique ». « Tout comme les cyberattaques qui concernent à 70 % les particuliers » rajoute Xavier Hermite.
L’avenir de l’informatique, c’est la cloudification générale des entreprises ?
Nos quatre invités imaginent des solutions mixtes, agiles, permettant de passer d’une infrastructure à une autre de manière transparente et adaptée à l’évolution des clients. En revanche, pour PTC, la priorité est clairement au SaaS. « Nous avons différents outils dans le domaine de la CAO de la réalité augmentée et du PLM déjà accessibles en SaaS. Notre ambition est d’ici 4 ans de porter l’ensemble de notre offre sous cette architecture. On va proposer également un service SaaS de transfert de données entre tous les outils clients ce qui les inciteront à basculer vers cette solution. »
Mais in fine, c’est au client de faire son choix en fonction de ses besoins, de ses capacités à évoluer parce que le cloud est aussi une nouvelle façon de travailler, d’envisager la collaboration et la mission par exemple de ses propres équipes chargées jusque-là de l’informatique de l’entreprise.