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Nos Cloud Industriels vont ‘‘augmenter’’ les concepteurs !

Nous avons eu la chance de rencontrer Nicolas Mangon, Vice President AEC d’Autodesk, sur son stand lors de BIMWorld début avril à Paris. L’occasion de faire le point avec lui sur la stratégie Cloud annoncé par l’éditeur à l’automne dernier et de dévoiler quelques annonces qui sont effectives autour de Forma depuis mai 2023.

Autodesk a annoncé lors d’Autodesk University en septembre dernier trois ‘‘Clouds Industriels’’ visant à transformer les méthodes de travail pour faciliter la collaboration entre les multiples acteurs d’un projet. Il s’agit de Forma pour le monde de la construction (AEC), de Fusion pour le monde de l’industrie et de Flow pour celui des médias et du divertissement.

« Cette orientation vers le Cloud est la suite logique de 41 ans d’évolution de notre offre, qui vise à démocratiser la technologie auprès du plus grand nombre de concepteurs pour leur faciliter la tâche. Avec le DAO puis la CAO 3D, nous les avons aidé à passer de la planche à dessins à la maquette numérique. Avec le BIM, nous leur avons donner les moyens de gérer de très grands projets en faisant collaborer de multiples métiers. Depuis 8, 9 ans, avec le Cloud nous leur donnons le moyen de partager facilement et en toute sécurité de l’information avec tous les acteurs impliqués dans un projet et d’avoir aussi accès à de très grosses puissances de calcul, configurables à la demande, pour faire à la volée des simulations ou des rendus réalistes », résume Nicolas Mangon, Vice President AEC d’Autodesk.

Nicolas Mangon, Vice President AEC d’Autodesk. « Nos Clouds Industriels vont permettre ‘‘d’augmenter’’ les concepteurs pour les rendre plus productifs. » Doc : Autodesk

Toutes ces évolutions ont été disruptives en leur temps. Mais aujourd’hui, notamment depuis la crise de la Covid, l’idée de partager des données dans le Cloud n’est plus disruptive. C’est devenu une bonne pratique. « Le vrai challenge aujourd’hui dans l’AEC est de pouvoir faire face à l’afflux de projets avec une pénurie de personnel. Le développement durable, avec une forte demande pour la rénovation, en est l’un des moteurs. Ainsi, aux États-Unis, pour la première fois dans l’histoire du pays, en 2022 il y a eu plus de projets de rénovation que de projets neufs, rattrapant l’Europe, vieux continent où la rénovation du bâti ancien prédomine de longue date. Cette avalanche de projets génère une profusion de données qu’il est de plus en plus difficile de gérer, tant leurs natures et leurs structures sont différentes. A tel point que les jumeaux numériques, maintenant demandés par les maîtres d’ouvrage, ne sont souvent qu’une collection de fichiers hétérogènes où l’information n’est pas organisée comme ils le souhaiteraient. On ne peut donc plus se contenter d’ajouter des fonctionnalités à des produits tel Revit, qui a été conçu il y a 25 ans. Il fallait franchir une nouvelle étape disruptive pour relever ces défis. C’est ce que nous voulons faire avec nos Clouds Industriels et l’utilisation de l’Intelligence Artificielle. »

Gérer intelligemment des données disparates

Aujourd’hui, les données de nature différente sont gérées sous forme de fichiers dans de multiples formats, alors que pour mener un projet de construction, il faut pouvoir gérer conjointement des données architecturales, environnementales, territoriales, démographiques, sociétales, etc. De plus, malgré les standardisations telles les IFC, chaque acteur peut décrire ses objets avec des paramètres différents. « C’est pourquoi notre premier chantier s’est porté sur les données, avec la création d’un référentiel hébergeant toutes ces données granulaires hétérogènes sur un même niveau. On peut ainsi imaginer que les logiciels applicatifs pourraient, non seulement accéder et modifier leurs données propres, mais aussi visualiser facilement toutes les autres données. On dissocie ainsi les données des applications. Cette transparence est rendue possible à travers nos Clouds Industriels grâce à l’intelligence mise dans l’interface. Fini donc les échanges de données compliqués et douloureux ! »

Avec de telles techniques il devient par exemple possible, à partir de photos prises dans des bureaux existants et commentées par leurs utilisateurs en langage naturel (agréable, désagréable, convivial, reposant, lieu de rencontre ou d’isolement…), de guider l’architecte au fil de la conception en lui donnant, grâce à l’IA qui va comparer le modèle CAO en cours de création à la bibliothèque de photos commentées, le ressenti émotionnel qu’en auront les futurs utilisateurs. « C’est de l’IA ‘‘informative’’, à la manière de l’assistant personnel intelligent Cortana développé par Microsoft pour sa plate-forme Windows Phone. Ainsi l’humain va pouvoir choisir les aspects sur lesquels il veut être ‘‘augmenté’’ en se voyant proposer ‘‘intelligemment’’ des informations qui existent, mais qu’il ne connaissait pas ou auxquelles il n’avait pas accès. Une telle approche peut aussi être utilisée pour, à partir des photos prisent en permanence sur un chantier, vérifier le port des équipements de sécurité, le respect des restrictions d’accès à certaines zones, ou les mauvaises postures entrainant des TMS. On va ainsi pouvoir anticiper et réduire les risques d’accidents. »

L’intégration de Revit dans Forma va donner accès aux concepteurs à de multiples informations hétérogènes leur permettant d’affiner leurs projets. Doc : Autodesk

Réaliser des projets ‘‘Correct by Design’’

Mais on peut aller plus loin que l’IA ‘‘informative’’ avec de l’IA ‘‘générative’’, c’est-à-dire qui crée du contenu. « En agrégeant l’accès à des données hétérogènes, l’architecte va pouvoir demander à l’IA de l’aider à concevoir son projet. Il lui suffira de décrire son projet : ‘‘Propose moi une école pour 500 élèves, qui soit réalisable en 27 mois, qui utilise des matériaux durables qui soient Net Zero, et dont une partie soit industrialisée ou préfabriquée’’. L’IA va alors itérer avec toutes les autres contraintes qu’on lui a données (économiques, sociales, réglementaires…) et proposer des options, parmi lesquelles l’architecte pourra piocher pour finaliser plus rapidement son projet. »

Reste à en connaitre l’acceptance par des professionnels soucieux de préserver leurs emplois. « Déjà, cela ne remplace pas l’architecte mais augmente sa productivité, et suppose effectivement l’arrivée d’une nouvelle typologie de professionnels qui vont adhérer à ces approches ‘‘augmentées’’. Mais que les autres se rassurent, nous allons poursuivre de développement de nos solutions plus traditionnelles et faciliter leur dialogue avec le référentiel de données Forma. Ainsi, un architecte pourra continuer à travailler avec Revit, mais s’il le souhaite travailler sur les aspects planification dans Forma pour explorer quelques milliers d’options assez facilement. Par contre, en utilisant Forma pour la conception, ‘‘l’augmentation’’ lui permettrait de vérifier automatiquement en permanence que ses concepts respectent bien un jeu de contraintes qu’il aura lui-même défini (réglementaires, structurelles, de production…). Il sera ainsi sûr que son projet sera ‘‘Correct by Design’’. On peut aussi envisager de savoir au fil de la conception d’un bâtiment s’il va être attirant pour telle ou telle catégorie d’occupants en fonction de l’analyse de données sociétales. Et ça, c’est disruptif et apporte une réelle valeur ajoutée aux concepteurs. »

Forma va débuter par la planification

Reste que pour faire de l’IA, il faut trois choses : des données ; la permission de les utiliser ; beaucoup de puissance de calcul pour les traiter. « Outre les données propres à l’entreprise (anciens projets, données dynamiques issues de l’IoT…), les utilisateurs pourront aussi accéder à des données publiques ou acheter le droit d’utiliser certaines données contextuelles. On commence aussi à voir des professionnels qui acceptent de partager leurs données en les anonymisant, s’ils peuvent utiliser en retour des données d’autres professionnels. » Une espèce d’Open Source de données en quelque sorte.

Mais outre le référentiel de données dans Forma, Autodesk travaille aussi sur les applications qui seront disponibles sous forme de services. « Nous travaillons sur quatre grands axes (planification, études, construction, opérations) pour quatre grands secteurs (industriel, bâtiment, eau, transports). Nous utilisons les briques de Spacemaker, un logiciel d’IA basé sur le Cloud, intuitif et collaboratif, utilisable pour la conception et la planification, dont nous avons acquis l’éditeur éponyme en novembre 2020. Nous utilisons aussi des briques de FormIt pour du Conceptual Design. Les premiers services applicatifs de Forma porteront donc sur la planification dans le domaine du bâtiment avec une interface web au départ, mais qui deviendra multi-plates-formes (Web, desktop, applications mobiles, Mac…). Cette interface sera commune à tous les services applicatifs pour simplifier la tâche des utilisateurs, c’est ce que nous appelons un ‘‘Unifed Design Environnement’’. Mais nous allons vivre dans un monde hybride puisque nous allons aussi connecter avec Forma nos applications traditionnelles (Autocad, Revit…) qui seront toujours développées. De même Forma sera aussi ouvert à des applications tierces. »

En se basant sur des données météorologiques, le concepteur va pouvoir évaluer les effets du vent entre les différents immeubles de son projet. Doc : Autodesk

Ouverture et sécurité des données

« Le développement de Fusion a quant à lui débuté il y a une dizaine d’années, cela nous a permis d’apprendre et de commettre plein d’erreurs que nous ne reproduirons pas dans Forma et Flow. Déjà il n’y avait pas d’IA aux débuts de Fusion. De même, c’est Fusion ou Inventor, alors que maintenant nous proposons Forma et Revit, donc ce n’est plus l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre. Néanmoins nous sommes toujours en phase de réflexion pour bien calibrer l’épaisseur de la plate-forme de développement APS, pour savoir ce que l’on doit y inclure et ce que l’on doit inclure dans les Cloud Industriels qui sont basés dessus. »

Autre point important la sécurité des données et des applications dans le Cloud. « C’est fondamental pour nous. Déjà, les données de nos clients sont stockées en Europe et nous déployons toutes les mesures pour les sécuriser et sécuriser les échanges. Nous venons d’ailleurs de créer un poste de Chief Security Officer dédié à cela. Aujourd’hui nous travaillons avec Amazon Web Services, mais nous serons aussi compatibles avec Azur et d’autres fournisseurs, tel ESRI qui a son propre Cloud pour les données SIG ou d’autres pour avoir accès à des données dynamiques issues de l’IoT ou du Edge Computing. »

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