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Renault évalue les apports de l’IA dans son ingénierie

Jean-Baptiste Chancerelle, Digital Transformation Catalyst à la Direction de la Performance de l’Ingénierie de Renault, nous explique comment le constructeur entend lier 3D et fonctionnel via l’IA pour explorer plus vite de nouveaux concepts, en faisant de multiples corrélations sur des données jusque-là sous-exploitées.

« Mon rôle est d’aller chercher les bonnes solutions auprès des start-up et du monde industriel qui nous entoure, puis d’en promouvoir la diffusion dans l’entreprise. Et l’Intelligence Artificielle est un des axes importants de cette recherche, afin d’aller vers plus de Generative Design », explique Jean-Baptiste Chancerelle, Digital Transformation Catalyst, rattaché à la Direction de la Performance de l’Ingénierie de Renault.

Une transformation digitale basée sur la donnée et son traitement à travers toute une panoplie de nouveaux algorithmes utilisant notamment de l’IA. Une transformation qui touche tous les domaines de l’entreprise. « J’ai des homologues qui font le même travail dans la partie Manufacturing et dans d’autres secteurs, avec qui j’ai évidemment des liens pour transversaliser les bonnes pratiques. »

Une transformation digitale qui implique deux mondes. Celui de l’ingénierie avec ses spécialistes (mécaniciens, carrossiers, électriciens…) et celui de la donnée avec là aussi ses spécialistes (Data Scientists, développeurs…). « Si les premiers connaissent bien les besoins du client, les seconds connaissent bien l’algorithmique et les méthodologies de traitement. Il faut donc faire dialoguer ces deux mondes pour arriver à se faire se rencontrer des données, des objets et des concepts qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer dans les méthodes de travail traditionnelles. C’est cette mise en relation à travers des algorithmes, d’informations existantes jusque-là déconnectées, qui va mettre en évidence des corrélations et apporter de la valeur au process d’ingénierie ».

Lier 3D et fonctionnel

Une approche que les grands éditeurs de PLM ont bien entendu perçue et qu’ils commencent à intégrer dans leurs offres avec des outils de Generative Design permettant de lier, le plus en amont possible d’un projet, le monde de la 3D avec le cahier des charges fonctionnel, afin de générer et d’évaluer de nouveaux concepts, tout en étant sûr de répondre à toutes les contraintes.

« C’est ce que nous faisons par exemple avec les outils de Dassault Systèmes, qui nous permettent d’avoir une plate-forme robuste autour du jumeau numérique, où nous lions fortement 3D et simulation. Lorsque que vous concevez un système, le produit final est un objet 3D capable de répondre à un certain nombre d’exigences fonctionnelles formulées dans le cahier des charges, tout en ayant des caractéristiques physiques qui sont au bon niveau. Si vous êtes capables de simuler cet ensemble-là, dès les phases amont du projet, vous avez gagné énormément de temps. »

Du Generative Design au Generative Engineering

Jean-Baptiste Chancerelle, Digital Transformation Catalyst à la Direction de la Performance de l’Ingénierie de Renault. Doc : Renault

« Mais nous regardons aussi ce qui se fait dans le monde des start-ups qui est une source de richesses et d’innovations. C’est ainsi par exemple que nous travaillons avec DessIA Technologies depuis 2019. Ils ont réussi à mettre en équations, dans le même monde, le 3D et le fonctionnel, via des algorithmes, afin de les faire dialoguer entre eux, ce qui permet d’aller plus vite dans les phases exploratoires d’un projet. »

Une approche ‘‘théorique’’ qui permet aussi à Renault d’explorer tout ce que l’IA peut apporter comme valeur à l’ingénierie. « L’IA est un domaine qui bouge beaucoup et rapidement. Le fait de travailler avec une start-up nous permet d’explorer et de comprendre ce que nous pouvons tirer de l’IA dans un mode très dynamique, car ils réagissent et s’adaptent très vite aux spécificités d’un nouveau projet. Nous n’avons pas encore fini de définir tous les contours de ces outils à base d’IA, mais en fin de compte, ce que l’on voudrait arriver à faire avec DessIA, c’est un outil pratique utilisable en toutes circonstances, un peu comme une calculatrice que l’ingénieur aurait en permanence sur son bureau. »

Un type d’outil que les leaders du PLM finiront certainement par intégrer dans leurs offres d’ici quelques années. Ce sera d’autant plus facile que les échanges de ce genre d’outils d’exploration rapide de concepts, avec les outils de CAO, se font à travers des formats d’échange de données assez simples et standard (STEP, STL, maillages…).

« De toute façon, on cherche juste à cadrer un projet en associant du 3D et du fonctionnel, donc tout ce qu’on sait simplifier, on le simplifie au maximum pour revenir au basique. On n’a pas besoin de la description détaillée de toutes les pièces à ce stade amont. A partir de cela, les formats de fichiers ne sont pas du tout structurants. »
Il suffit juste de trouver le bon compromis entre niveau de précision et vitesse de calcul pour croiser le plus rapidement possible une multitude de données, tout en gardant du sens aux résultats obtenus.
« Pour le moment, ce genre de démarches s’adresse à la phase amont de cadrage de projet, pour trouver de nouvelles idées et les hiérarchiser. C’est un enjeu très fort parce que plus on réussit à réfléchir, à poser les bons concepts dès le début, moins on fera d’itérations de conception après. C’est un domaine sur lequel on réfléchit beaucoup et une dizaine de personnes y sont impliquées. »

Se poser les bonnes questions

L’intérêt de ces outils d’exploration rapide de concepts, outre le fait qu’ils peuvent traiter un très grand nombre de cas, en analysant finement une montagne de données, c’est qu’ils obligent l’utilisateur à se poser les bonnes questions et à décrire son projet, avant de se servir de ses outils de CAO comme d’une ‘‘super planche à dessins’’.

« On gagnera déjà très simplement de la valeur en ingénierie, rien qu’en optimisant l’usage des outils de conception et de simulation déjà en place. De plus, pour que les outils logiciels à base d’IA puissent tout simplement fonctionner, il faut les alimenter avec les bonnes informations, donc se poser les bonnes questions sur le pourquoi du projet et de ses modes de réalisation, en identifiant les logiques qui sont derrière et les possibilités de les améliorer. Du coup, avec ces outils on réapprend à travailler correctement avec ce dont on dispose. »

Des outils à base d’IA qui valorisent aussi l’image technologique de l’entreprise en l’ancrant dans la ‘‘Tech’’. Une vraie ‘‘Renaulution’’ pour le constructeur automobile !

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