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Le Pôle Eco-conception : en pointe sur la démarche

Samuel Mayer, initiateur et directeur du Pôle Eco-conception, nous donne sa vision sur ce que doit être une démarche d’éco-conception, les méthodes normalisées pour y arriver, les multiples outils utilisables et la pénurie de professionnels qualifiés.

Le Pôle Eco-conception est un incontournable du développement durable en France depuis plus de 20 ans. C’est un expert reconnu internationalement, puisqu’en plus de faire de la prestation de services auprès des industriels, de la TPE aux grands groupes, il est le bras armé de l’Ademe pour l’éco-conception, anime le groupe de travail idoine de l’Afnor, représente la France à l’ISO, et est expert pour le programme des Nations Unies pour l’environnement.

« Il faut voir l’éco-conception comme une comptabilité qui regarde de manière exhaustive, sans les hiérarchiser, tous les flux entrants et sortants sur l’ensemble du cycle de vie du produit (matières, énergie, déchets, effluents…), afin de piloter et maitriser les transferts de pollution lorsque l’on essaye d’en réduire l’impact environnemental », explique Samuel Mayer, initiateur et directeur du Pôle Eco-conception.

L’éco-conception va bien au-delà de l’ACV

Samuel Mayer, initiateur et directeur du Pôle Eco-conception. « L’éco-conception n’est plus un métier d’avenir mais du présent ». Doc : Pôle Eco-conception

 

« Déjà, il faut que ce soit une stratégie de l’entreprise, soutenue par la direction générale, qui définit clairement les enjeux et objectifs environnementaux à atteindre sur ses produits ou services, et sur lesquels les différents acteurs seront objectivés. Ensuite, il faut définir les leviers sur lesquels ou veut agir, adopter une méthodologie propre à chaque entreprise, et choisir les outils les plus adaptés pour y arriver. »

Les outils d’Analyse du Cycle de Vie (ACV) sont l’un des moyens permettant de faire cette comptabilité en figeant la situation de référence, puis en suivant son évolution en montrant que l’on a bien analysé les impacts et maitrisé les transferts de pollution. Mais il existe d’autres outils, tels les Ecolabels européens qui cartographient les impacts environnementaux d’un certain nombre de catégories de produits. On peut aussi passer par des analyses de type évaluation simplifiée qualitative du cycle de vie, qui permettent d’identifier les ‘‘hotspots’’ dans une matrice basée sur des études et des données disponibles. « Après on va avoir des évaluations de type Single Score, qui sont de l’ACV très simplifiée puisque on a cassé l’indicateur, avant de passer à l’ACV simplifiée et complète. Il y a donc une large gamme d’outils d’évaluation de la situation de référence. »

Mais ces outils, s’ils offrent une visibilité globale sur l’impact environnemental, n’indiquent pas les pistes à suivre pour améliorer la situation. Ça c’est le rôle des équipes de développement qui doivent avant tout faire preuve de bon sens. Et ça ne se limite pas au bureau d’études. En effet, s’il a la main sur la mise en œuvre des choix techniques en termes de matériaux, de dimensionnement et de concepts, il n’a que très peu d’influence sur les aspects production, logistique et mise en œuvre par l’utilisateur.
« L’éco-conception c’est multifonctionnel, il faut donc que le bureau d’études s’appuie sur les modules ‘‘sustainability’’ de ses outils de CAO, mais il faut aussi que tous les autres services de l’entreprise impliqués dans le développement du produit, du marketing et du design jusqu’à la communication, disposent d’outils cohérents intégrant cette notion environnementale, afin qu’ils parlent le même langage et puissent se comprendre pour aller dans le même sens. Il faut pouvoir facilement transcrire des indicateurs d’impacts environnementaux, exprimés en gramme équivalent CO2, en des indicateurs de suivi de conception (nature de matériaux, réduction de poids…). »

Plusieurs normes, mais pas de référentiel

Mais au final, la méthode de travail est beaucoup plus importante que les outils retenus pour arriver au résultat. D’ailleurs les différentes normes traitant de l’éco-conception ne parlent que de méthode. Ainsi, la norme française NF X30-264 de février 2013 (Management environnemental – Aide à la mise en place d’une démarche d’éco-conception) explique les différentes étapes attendues. On a aussi la norme ISO 14006-2020 qui explique comment ça doit être intégré dans le management de la qualité.

« Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est un référentiel pour dire à partir de quand on peut estimer qu’un produit est éco conçu, c’est à dire à partir de quel niveau d’amélioration, on peut dire que c’est vraiment meilleur et que ça a un intérêt environnemental. Ce n’est ni formalisé ni normalisé, car c’est extrêmement complexe à réaliser ».

Ce qui n’empêche pas les services marketing et communication d’utiliser l’argument éco-conçu pour vanter leurs produits. Mais attention, il y a aujourd’hui une réglementation qui se met en place. « D’abord, il y a la loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire (AGEC) en France, qui oblige toutes les entreprises affiliées à une filière REP (responsabilité élargie des producteurs) à mettre en place un plan de prévention et d’éco-conception. Et bientôt, au niveau européen, la Directive Ecodesign va formaliser un Passeport Numérique des Produits. On va donc, à un moment donné, solliciter les modes de preuve et de transparence pour l’ensemble des produits mis sur le marché. Ce qui va éliminer les allégations mensongères auto-déclaratives et le greenwashing. »

La démarche d’éco-conception est une approche globale d’entreprise, qui nécessite la collaboration de tous les services pour diminuer l’empreinte carbone des produits. Doc : Pôle Eco-conception

Des métiers en tension

Reste que si nombre d’entreprises se lancent dans l’éco-conception, elles peinent à recruter des personnels qualifiés. « J’aime à dire que ça fait 20 ans qu’on me dit que l’éco-conception est un métier d’avenir, mais aujourd’hui c’est un métier du présent et il y a peu de jeunes qui sortent des écoles d’ingénieurs ou de management avec cette qualification, et on se les arrache. » Force est de remarquer d’ailleurs que peu d’écoles propose cette qualification, si ce n’est sous la forme optionnelle, c’est-à-dire 20 à 30 heures dans un cursus de 3 ans. Heureusement, la situation va s’améliorer avec la création de nouveaux Mastères Spécialisés. « Nous avions celui des Arts & Métiers à Chambéry et un autre à l’ESDES Lyon Business School. Mais lors de la dernière réunion de la Conférence des Grandes Ecoles, une vingtaine de nouveaux Mastères Spécialisés en lien avec l’économie circulaire et l’éco-conception ont été annoncés. »

De même, la réforme des IUT, avec la création du Bachelor Universitaire de Technologie (BUT), s’accompagne d’une refonte des cursus qui incluent maintenant une formation à l’éco-conception, avec un parcours Conception et Production Durable, notamment dans les IUT Génie Mécanique et Productique. Une évolution à laquelle participe le Pôle Eco-conception en mettant en place des déroulés pédagogiques et en formant les professeurs.

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