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La course au large met le cap sur l’éco-conception

Lancé le 14 juin 2022 à la Cité de la Voile Eric Tabarly à Lorient, le projet Eco Sailing Design a pour objectif d’accompagner et d’accélérer la transition écologique des entreprises de la filière technologique de la voile de compétition en Bretagne. Il vise la mise au point d’un outil d’aide à l’éco-conception et de bases de données matériaux et process pouvant dialoguer avec les logiciels d’ACV.

Conscients des enjeux environnementaux, une douzaine d’acteurs impliqués dans le domaine de la course au large viennent de lancer Eco Sailing Design, un projet collaboratif pour éco-concevoir les futurs bateaux de course. Des cabinets d’architectes aux industriels, en passant par les laboratoires de R&D, la filière technologique de la voile de compétition cherche à réduire son impact environnemental. Consommatrice de matériaux (résines polymères, fibres de carbone…), d’électronique et d’équipements peu recyclables, cette filière cherche des solutions plus respectueuses de l’environnement pour concilier performance et résilience.

Un projet collaboratif pour faire évoluer les pratiques

Onze entreprises ont d’ores et déjà embarqué dans ce projet piloté par un consortium regroupant l’École normale supérieure (ENS) de Rennes, l’Université de Bretagne Sud (UBS), ainsi que Bretagne Développement Innovation (BDI). D’une durée de 3 ans, il prendra fin au dernier trimestre 2024. Il propose aux entreprises du territoire construisant des voiliers de compétition et leurs équipements, de se regrouper afin d’agir ensemble en faveur de la transition écologique. L’objectif est de développer un outil d’éco-conception adapté à leurs besoins et de mettre en place chez elles des démarches pour leur permettre :
• D’acquérir une meilleure compréhension des impacts environnementaux pour mieux les maitriser et identifier leurs propres leviers d’amélioration ;
• D’intégrer les considérations environnementales dans la conception et la construction des voiliers de compétition ;
• D’exploiter des outils originaux de caractérisation des performances environnementales ;
• De faciliter l’éco-conception de voiliers performants en compétition à un coût économique et environnemental maitrisé ;
• D’accompagner la transition écologique des entreprises bretonnes engagées dans ce projet.

Les architectes navals, tel VPLP, font un large usage de la simulation numérique pour optimiser la résistance et les performances de leurs pur-sang des mers. Ils disposeront bientôt d’un plug-in permettant d’en évaluer aussi l’impact environnemental. Doc : BDI © VPLP – SYD – MOD70 ARGO

Cet outil, du fait de sa compatibilité avec les principaux outils d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) disponibles sur le marché, leur permettra de gagner du temps et de l’efficacité dans l’éco-conception. Un programme spécifique d’accompagnement leur permettra aussi de faire monter en compétence leurs salariés.

Le projet permettra également de collecter des données originales et consolidées, basées sur l’activité des entreprises bretonnes et de créer une base de données générique sur les matériaux et process de la filière. A terme, l’objectif est de capitaliser sur ces données pour permettre aux entreprises d’innover durablement.

Les participants d’Eco Sailing Design

À ce jour, 11 entreprises bretonnes de la filière technologique de la voile de compétition participent au projet Eco Sailing Design. Il s’agit de :
• Avel Robotics : Pièces en composites
• GSea Design : Calcul de pièces en composites
• Guelt Nautic : Quilles, bulbes, foils et accastillage
• Ino Rope : Cordages synthétiques et accessoires
• Karver Systems : Accastillage
• Lorima : Mats en fibres de carbone
• Nautix : Antifouling et pièces thermoplastiques
• North Sails : Créateur de voiles
• Pixel sur mer : Equipement électroniques de navigation
• SMM : Moules pour pièces composites
• VPLP : Architecture navale
A cela s’ajoute l’École Normale Supérieure (ENS) de Rennes et l’Université de Bretagne Sud (UBS) à Lorient, Pontivy et Vannes.

Développer un plug-in intégrable aux outils d’ingénierie

L’outil informatique qui va être développé aura la forme d’un ‘‘plug-in’’ qui s’intégrera aux outils d’ingénierie (CAO, Simulation numérique…) déjà en place dans les entreprises. « Nous ne voulons pas ajouter un énième logiciel à leur panoplie », explique Olivier Kerbrat, maître de recherches à l’ENS-Rennes et co-directeur de la thèse avec Antoine Le Duigou, maître de conférences à l’UBS. « Nous avons donc pris la voie du plug-in pour qu’il s’intègre au mieux dans leurs outils habituels, afin qu’il soit réellement utilisé. On veut que les considérations environnementales soient vues comme partie intégrante de la prise de décision au cours une démarche d’ingénierie. Le concepteur ne doit pas avoir besoin de faire une ACV complexe, avec des logiciels spécialisés qu’il ne maîtrise pas forcement, en plus de sa démarche de conception, déjà chargée en exigences. Il faut adresser les considérations environnementales, donc les prévisions d’impacts environnementaux de l’objet qu’il est en train de concevoir, via une image compréhensible, dans son outil d’ingénierie habituel, c’est à dire sa CAO ou son outil de simulation. »

Reste l’écueil des données permettant de faire des comparaisons fiables. « C’est pourquoi notre outil va aussi permettre de récupérer auprès des participants du projet Eco Sailing Design, des données bretonnes de qualité, fiables, robustes et bien récoltées, puis de les traduire dans les différents outils d’ingénierie pour guider les intervenants dans leurs choix de conception ou de production, car cet outil va avoir des retombées jusque dans les chantiers pour évaluer les impacts environnementaux associés aux paramètres ajustables de leurs stratégies de fabrication. »

Une ACV adaptée au secteur

De fait, les chercheurs à l’origine de ces développements ont constaté que les outils d’ACV ne donnaient qu’une photo à un instant T de l’impact environnemental d’un produit. « Cela fige une situation de conception. C’est nécessaire, par exemple pour répondre à des attentes réglementaires ou pour évaluer des évolutions à certains jalons de conception, mais cela ne propose en aucun cas des pistes d’amélioration. Nous souhaitons que ce plug-in intégré aux outils de conception fonctionne un peu à la manière d’un correcteur orthographique, en donnant au fil de la conception des avis éclairés au concepteur sur les choix qu’il est en train d’opérer pour l’aider à faire mieux en termes de performances, à la fois sportives et environnementales. »

La conception des voiliers de classe IMOCA passe par la diminution de leur impact environnemental comme ici chez le spécialiste de la simulation numérique GSea Design. Doc : BDI ©GSea Design

S’appuyer sur les compétences acquises

Un projet ambitieux où la conception serait enfin assistée par l’ordinateur, dans le domaine environnemental tout au moins. « De fait nous ne partons pas de zéro, puisque cela fait plus d’une douzaine d’années que nous travaillons dans nos laboratoires encadrants sur l’intégration des contraintes environnementales dans les outils d’ingénierie, et qu’il y a déjà eu un certain nombre de travaux préalables d’étudiants. De plus, nous allons bénéficier des apports des entreprises participant au projet tant en termes de données, que d’expérience, voire de moyens humains. Enfin, n’oublions pas que notre rôle au niveau de la recherche c’est de proposer des solutions valides à l’aide de thèses qui durent trois ans. Nous ne sommes pas sur les mêmes bases que les éditeurs de logiciels qui doivent obtenir une solution commerciale en quelques mois en alignant les développeurs », conclut Olivier Kerbrat.

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