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L’éco-conception : valeur montante dans l’industrie

Si l’engagement dans le développement durable fait aujourd’hui partie des gènes des start-up et est devenu le leitmotiv des grands groupes industriels, les PME l’abordent juste. Pourtant il existe une méthodologie normalisée de mise en œuvre de l’éco-conception et de multiples outils permettant de réduire l’impact environnemental des produits et des process.

L’éco-conception est de plus en plus mise en avant par les industriels. Il s’agit pour eux de montrer leur engagement dans une démarche pour le développement durable, d’une part pour se donner une « image écologique » en phase avec les réglementations environnementales.

Le développement durable est donc aujourd’hui un outil de communication largement utilisée par les entreprises en réponse aux attentes sociétales. Mais comment s’y retrouver dans ces allégations déclaratives autour de produits éco-conçus, qui n’étaient jusqu’à maintenant régies par aucune norme et qui, de ce fait, recouvrent des réalités bien différentes, allant d’une réelle réduction de l’impact environnemental au simple greenwashing. Mais déjà qu’est-ce que l’éco-conception ?

La norme ISO 14006:2020 (Systèmes de management environnemental – Lignes directrices pour intégrer l’éco-conception) en donne la définition suivante : « Approche méthodique qui prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit ».

Les outils de simulation permettent aujourd’hui d’évaluer et de comparer les performances techniques de différents concepts. Demain, ils feront de même avec l’impact environnemental. Doc : PTC

 

La norme NF X 30-264 (Management environnemental – Aide à la mise en place d’une démarche d’éco-conception) de 2013 précise un peu plus les choses : « Intégration systématique des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes) avec pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs tout au long de leur cycle de vie à service rendu équivalent ou supérieur. Cette approche dès l’amont d’un processus de conception vise à trouver le meilleur équilibre entre les exigences, environnementales, sociales, techniques et économiques dans la conception et le développement de produits ».

De fait, l’éco-conception est une démarche ancienne. Quelle entreprise n’a pas un jour essayé de réduire les quantités de matières utilisées dans ses produits ou l’énergie consommée pour les produire, ne serait-ce que pour réduire ses coûts ? De même, les premières démarches environnementales, notamment dans la chimie, remontent aux années 50-70 pour réduire les effluents rejetés dans la nature et prendre des mesures préventives. Il faudra attendre les années 80 pour que de nombreux secteurs industriels mettent en place des démarches plus globales incluant aussi leurs produits, ce qui aboutira à l’émergence de l’éco-conception dans les années 90. Elle se développera dans les années 2000, puis apparaitront un certain nombre de normes la définissant et l’encadrant.

Des guides, des méthodes et des outils

« Les entreprises souhaiteraient disposer de logiciels de conception qui pourraient, grâce à un joli bouton vert, rendre leurs produits environnementalement propres, mais ça, ça n’existe pas encore », constate Zoe Bezpalko, responsable stratégie développement durable pour les industries Design & Manufacturing chez Autodesk. Et effectivement, il n’y a pas réellement de logiciel d’éco-conception, mais un ensemble d’outils et de méthodologies pouvant être utilisés lorsque l’on se lance dans une telle démarche (voir l’interview de Séverine conte du Cetim). On retrouvera par exemple des guides d’éco-conception, souvent par secteurs et filières industriels, expliquant les différentes étapes de la démarche. Ceux-ci proposent souvent des check-list permettant de ne rien oublier. Notons l’existence d’une version numérique gratuite de ces check-list, Ecodesign Pilot, développé par la Technische Universität Wien (Autriche). On trouvera ensuite des outils de Scorecard, ainsi que d’Analyse du Cycle de Vie complète ou simplifiée. Mais tous les spécialistes insistent sur le fait que si les outils d’ACV peuvent aider à une démarche d’éco-conception, ils ne sont pas indispensables. De même, il ne faut pas réduire l’éco-conception à l’ACV.

« Le logiciel d’ACV le plus utilisé dans le monde est SimaPro développé par le néerlandais PRé Sustainability depuis plus de 30 ans. Il y a aussi GaBy, développé par PE1 et l’Université de Stuttgart (IKP), très utilisé par les chimistes et l’automobile, et EIME, développé en France par le département Codde du LCIE, qui lui est très adapté à la conception de produits électriques et électroniques. Signalons enfin, Ecodesign Studio, logiciel français développé depuis 2015 par Altermaker », résume Marion Laprée de l’agence d’innovation responsable Maoby.

Les outils de CAO se lancent dans l’éco-conception

De leur côté, les éditeurs de CAO et de simulation essaye aussi d’intégrer une composante environnementale dans leurs outils. Ainsi Autodesk travaille avec l’éditeur canadien ProModel sur des outils permettant de déterminer et d’optimiser les flux de matière et d’énergie dans les usines, ainsi que l’empreinte carbone des produits. D’autres partenariats avec l’éditeur allemand Makersite ou néerlandais PRé Sustainability permettront à Autodesk de proposer des outils d’ACV à partir de septembre dans ces différentes plates-formes (Inventor, Revit…). « On travaille aussi sur des outils de recommandation de matériaux en fonction du cas applicatif, mais on se heurte à la difficulté de capter l’intention de conception de l’utilisateur. L’Intelligence Artificielle pourrait nous y aider », explique Zoe Bezpalko.
« Nous avons introduit dès 2008 la notion de ‘‘Sustainability’’ dans SolidWorks », rappelle Xavier Adam, Sustainability Industry Solution Experience Senior Manager chez Dassault Systèmes. « L’éco-conception doit permettre de concevoir un produit d’une manière différente avec une nouvelle grille de lecture des critères environnementaux, sans en dégrader les performances. Si à l’époque c’était très niche, cela concerne aujourd’hui l’ensemble de notre portfolio (SolidWorks, Catia, Delmia, Simulia), à travers notre offre Sustainable Innovation Intelligence, car les industriels généralisent cette approche, en allant bien au-delà des directives RoHS et Reach. D’où notre partenariat avec EcoInvent autour de sa base de données d’inventaire du cycle de vie. »

Mais au-delà de l’analyse et de l’évaluation à postériori de différents scénarios de conception, Dassault Systèmes a dans sa roadmap le projet, grâce à l’IA, de proposer des outils d’analyse et de recommandation de solutions moins impactantes au fil de la conception. « Il faut démocratiser l’ACV, qui ne doit plus être effectuée à postériori par des experts dans des outils tiers, mais doit être intégrée dans les outils de conception et être directement utilisable par le concepteur dans sa maquette numérique, afin de visualiser très vite les points qu’il faut améliorer. D’ailleurs, nous allons proposer dès cet été avec Maoby, une formation à l’éco-conception à nos clients pour qu’ils tirent le meilleur parti de ces nouveaux outils. »

La conception générative permet de réduire la masse des pièces tout en garantissant le respect des performances, en plaçant juste ce qu’il faut de matière au bon endroit. C’est un bon début, mais elle ne s’intéresse qu’à une partie du cycle de vie. Et il ne faut pas oublier que la fabrication additive est énergivore. Doc : Autodesk

Rendre visible les bons critères

« Clairement le développement durable est aujourd’hui à l’agenda des décideurs. On voit arriver dans les Comex des entreprises des Chief Sustainability Officers avec des équipes pour porter l’action développement durable », constate Murvin Boohoo, Solution Consulting Director chez PTC. « Il faut concevoir au plus juste pour éviter les sur-consommations de matière ou d’énergie durant tout le cycle de vie. C’est pourquoi le PLM à une place de choix dans cette problématique, en rendant visible les bons critères qui aideront les décideurs à trancher. »

Pour cela, il faut jouer l’interopérabilité entre les outils et avoir accès à des bases de données fiables donnant l’empreinte des éléments. « C’est ce que nous faisons dans Creo avec notre partenaire Ansys et sa base de données Granta Material Intelligence. De même dans Windchill, nous travaillons avec Assent Compliance autour de la problématique Reach. Dans le domaine de l’habillement, notre solution FlexPLM utilise la base de données matières Higg. Les remontées d’informations sur l’utilisation des produits via l’IoT et notre outil Thingworx, sont aussi intéressantes pour avoir une bonne visibilité et évaluer l’ensemble des composantes impliquées dans le développement durable. »

Marier compétitivité et durabilité

« L’éco-conception, c’est créer des produits où l’on marie la compétitivité avec la durabilité, et la compétitivité ce n’est pas que le prix, ce sont aussi l’innovation, la maitrise de la complexité, les performances techniques… » explique quant à lui Denis Goudstikker, responsable développement durable pour l’offre PLM de Siemens DISW. « Pour y faire face, il faut fournir un outil de CAO avec plus de fonctionnalités, telle l’optimisation topologique Heeds dans notre plate-forme NX, qui ne nécessite pas le recours à des spécialistes. Mais il faut surtout un environnement de données permettant d’intégrer dans la conception, de la manière la plus efficace possible, la performance, la durabilité et l’innovation. »

« C’est ainsi que nous proposons avec Team Center Product Cost Management, un outil qui est capable de calculer à la fois l’empreinte financière et l’empreinte équivalent carbone des produits », complète Yann Le Gall, consultant spécialiste de l’empreinte carbone chez Siemens DISW.
Outre les produits, les process bénéficient d’outils similaires, tel Plant Optimizer, développé à Lyon et qui vient d’être annoncé par Siemens DISW, car l’éco-conception implique une éco-production et une éco-logistique.

« Mais attention, il faut choisir ses batailles dans le bon ordre, en déterminant quels sont les points les plus impactants au niveau environnemental sur l’ensemble du cycle de vie. C’est pourquoi il faut disposer d’une plate-forme de données permettant d’avoir une vue holistique du développement durable et de conforter la résilience de la Supply Chain », conclut Denis Goudstikker.

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